Qu’est-ce que le soufisme ?
Publié le 26 Février 2025
Le Journal du yoga
N° 259 Novembre Décembre 2024
Propos recueillis par Pauline Lorenceau

Driss Benzouine a longtemps été Président de l’association du Yoga au Maroc, d’où il puise ses racines méditerranéennes. Son yoga est intégral avec l’idée de créer une dynamique de changement radical. Il utilise aussi la giration soufie des derviches tourneurs pour activer le processus de transformation. Une conviction l’anime : l’organisme humain est le lieu de l’éveil et d’un progrès continu de conscience. Sa raison d’être, n’est-ce pas ? Mais pourquoi… les pratiquants d’aujourd’hui paraissent-ils plus vulnérables que ceux d’hier ?
Quelle est l'origine du souffisme ?
Driss Benzouine : Soufi est un terme arabe de la mystique musulmane qui appartient à l’humanité et qui répond au questionnement que tout être humain peut se poser. Nous parlons des gens de la voie, celles et ceux qui se lancent dans une quête et sont dans une recherche de connaissance d’eux-mêmes et du monde.
A partir du mot « soufisme », il y a deux grands sens (axes). La racine « Souf » c’est la laine, car les premiers pratiquants étaient habillés en laine. Ces gens de l’ascèse, chercheurs, se retiraient de la cité et partaient en retraite dans le désert. C’est une voie de dépouillement et de pauvreté.
Mais le mot « Souf » évoque aussi la pureté du cœur et le soufi est celui qui a été purifié par un travail sur soi. Cette purification du cœur, des intentions est une saveur, une expérience qui se trouve par un cheminement.
L’histoire du soufisme est aussi portée par deux courants :
D’un côté, il y a le soufisme du sud, qui est resté très imprégné de la religion musulmane qu’il a approfondie.
Et de l’autre, le soufisme du nord, qui est parti d’Irak et de la Perse à la découverte du monde. Il a rencontré toutes les traditions existantes. Arrivé en Inde, en passant par le Caucase, il a inclus dans ses « exercices moraux » toutes ces rencontres : le christianisme plutôt orthodoxe, le tantrisme, le bouddhisme, jusqu’au chamanisme mongol.
Il s’est adapté à ses cultures ces sagesses, et s’est enrichi des pratiques mystiques antérieures, ce qui l’a rendu plus universel. Il a emprunté par exemple le tournoiement des derviches tourneurs qui était plus ancien, mais aussi le travail sur les chakras, sur le son, le souffle, sur la conscience, la connaissance de soi, sur la psyché…
Est-ce une voie mystique ?
DB : dieu ne peut être appréhendé que par le silence. Toutes les pratiques que nous faisons sont pour pouvoir appréhender cet espace de silence, y rester et s’immerger. Il faut que notre regard soit tourné vers l’intérieur pour découvrir qu’au-delà du visible, il y a quelque chose d’autres, de non-visible. A ce moment-là commence un autre chemin pour l’aspirant, qui va aller explorer les autres dimensions de l’être. Un mouvement non horizontal mais plutôt, une ascension spirituelle.
La voie du nord semble être proche de ce que l’on comprend du yoga ?
DB : tout à fait. C’est d’ailleurs ma pratique du yoga qui m’a fait découvrir le soufisme. Les deux voies sont très proches, qui disent que pour réaliser cet état d’être, il faut une pratique, un cheminement, une sadhana, qui demande à être accompagné par un expert, un maitre dans le domaine.
Il y a donc une pédagogie de la Voie ?
DB : en effet. Celle-ci est basée au départ sur la remémoration, équivalent de la pratique des mantras ou de la prière du cœur. La répétition d’un mot permet la centration de l’attention. Puis, pour regrouper les énergies, toutes les forces de la personne et l’orienter vers son intériorité, il y a des pratiques sur le comportement, avec des visualisations, de la méditation, de la concentration, du son, des girations… avec pour objectif l’apaisement de la psyché et du mental, l’ouverture du cœur.
« Un homme distingué qui aimait Dieu vit Manjnûn tamisant de la terre au milieu du chemin, et lui dit : « Ô Manjnûn ! Que cherches-tu ainsi ? »
- « je cherche Laïla, » répondit-il. – « peux-tu espérer de trouver ainsi Laïla ? reprit l’interlocuteur ; une perle si pure serait-elle dans la poussière ? »
- « je cherche Laïla partout, dit Manjnün, dans l’espoir de la trouver un jour quelque part. ». Le langage des oiseaux de Farîdoddîn Attar
La différence avec la pratique du yoga, c’est que le yoga est une méthode progressive, la pratique soufie va être plus confrontante, en allant dans le mouvement pour aller au-delà du mental, arrêter de s’identifier à tout objet extérieur et se poser dans son intériorité, quelque chose doit lâcher prise.
Proposé par Dominique Bart
Pour aller plus loin : Retrouver la revue à la bibliothèque de l'UCY pour lire cet article complet.
Site : drissbenzouine.com
Livres : - Le cantique des oiseaux de Farïdoddï Attar (illustré de miniatures) Ed Diane de Selliers, et - Cette lumière est mon désir : Le livre de Shams de Tabrîz de Rûmî Ed Gallimard