Nous sommes tous des êtres de l’action, dans l’action.

Publié le 20 Janvier 2016

Les carnets du yoga

N ° 340 – Octobre 2015

Rencontre avec Sylviane PEREZ-BOUDRAS : Formatrice à l'Ecole Française de Yoga de Paris  (EFY).

Interview de Jean Pierre Laffez

Je pense que nous sommes tous des êtres de l’action, dans l’action. Dès notre naissance. « Nul, en effet même un instant, ne peut demeurer sans agir. Car tout être  est poussé, sans pouvoir s’y soustraire, à accomplir l’action » nous dit Patanjali. 

"Etre une personne dans l’action, c’est suivre les courants, être à l’écoute des autres, s’adapter aux évènements. Tout simplement vivre, respirer, aimer."

J’ai pris conscience de cet état d’être, de mes modes de fonctionnement, grâce à la formation offerte à l’EFY. J’ai accueilli mes quatre enfants, qui ont bien voulu venir à la vie à travers moi, et qui ne m’appartiennent pas. J’ai occupé un poste de cadre dans une grande entreprise, tout en étant présidente d’association et élue dans ma ville et une communauté d’agglomération. Tout convergeait vers moi, comme indépendamment de ma volonté et je prenais, j’occupais des postes, je faisais du mieux possible, certainement stressée, préoccupée par les responsabilités liées à ces fonctions.

Avec la découverte de la Bhagavad Gîtâ et la pratique du yoga, je me suis rendu compte que l’action correspondait à une posture dans la vie.

J’ai fait la différence entre les activités que je menais sans toujours avoir conscience de les réaliser, poussée par les expériences accumulées et aussi un peu par habitude. Lentement, au fil du temps et de ma pratique, je suis rentrée dans l’action. Je me suis mise à agir en conscience et non plus à réagir aux évènements. Du vouloir prendre, saisir, réussir, je suis passée à un état plus calme, à l’écoute, dans l’ouverture à l’autre sans le danger de perdre mon identité profonde. Je me suis tissée une trame plus serrée à l’intérieur qui m’a permis de garder en moi ce que les autres m’apportaient, de transformer ces acquis au lieu de les laisser s’enfuir par les trous du tissu crées par mes craintes et ma vulnérabilité.

Pour exercer les activités dites « sérieuses » et les loisirs, j’ai appliqué une autre approche qui a été à l’origine de transformations toujours en œuvre dans ma vie actuelle.

Ainsi, du pilotage aérien, que j’ai pu découvrir grâce à mon travail dans une compagnie aérienne. J’ai été projetée dans un autre univers, avec un vécu de sensations différentes, dans un autre espace/temps.

Le pilotage et la plongée font prendre conscience de la limitation de vos sens ; la vue, l’ouïe ne vous donnent plus les indications de la même manière. Par exemple, le son est multiplié par cinq sous l’eau et peu habitué à une telle vitesse, le cerveau a du mal à déterminer la provenance du son. Nous avons l’impression que le son vient de toutes les directions et la source est diffuse. Sans radio, en avion, vous ne communiquez plus avec le monde extérieur et les dangers de collision sont accrus, vous dépendez d’un casque pour la réception et l’émission. Sous l’eau la vision est floue et pour la corriger, il faut porter un masque qui la réduit de moitié (de 180° à environ 90°), il faut donc être face à l’autre plongeur pour communiquer avec lui ; sans compter l’absorption des couleurs liée à la réfraction de la lumière.

La gravité, la pesanteur, n’agissent plus de la même façon sur votre corps (par exemple, pression de G dans les virages en avion, qui provoque une réduction de la visibilité et pression en plongée à 60m avec cette sensation (réelle) de rétrécissement, diminution de vos organes à l’intérieur) mais en même temps, vous n’avez que votre corps comme vecteur, que votre corps pour vivre, respirer et agir. La plongée et le pilotage permettent de se rendre compte que dans la vie, seul un tout petit aspect de la réalité est perçu, bien souvent, déformé. Nos sens (tournés vers l’extérieur) sur lesquels nous nous appuyons pour nous orienter, nous guider, sont la source de bien des erreurs.

Les différentes situations rencontrées vous obligent à une grande vigilance, une concentration accrue et en cela le yoga m’a beaucoup aidée. Je me suis bien souvent appuyée sur la respiration, sur un recentrage au fond de mon être pour dépasser les sentiments d’angoisse ou de peur. Il est question de survie dans le ciel avec une mauvaise météo ou encore à 40m de profondeur avec une bouteille qui se vide très rapidement. Je mesure la difficulté d’exercer cette attention, cette vigilance au quotidien, chaque seconde de ma vie, quand je ne suis pas obligée de porter une conscience aiguë sur mon environnement.

Le yoga, la méditation sont une source de recentrage, d’unification. Ils permettent de garder le lien avec l’intérieur même dans des situations complexes. Il est important de ne pas être dans la réactivité inconsidérée, ne pas céder à la panique, sans toutefois perdre ses réflexes de survie.

Le yoga permet de mieux connaitre son corps, sa résistance, ses limites mais aussi son mental, le jeu des émotions et de prendre de la distance, du recul dans les situations délicates, de ne pas perdre dans la « réaction excessive et compulsive » comme le dit Prajnânpad.

Ce qui vaut dans les cieux ou sous l’eau vaut également dans nos relations avec les autres. Ne pas être dans la réactivité tout en étant extrêmement attentif à l’autre et à l’effet de l’autre personne en soi.

Je participe au projet « changeurs du monde » dont Eva Wissenz à l’origine du projet dit : « Le but est de donner à lire à nos jeunes des exemples positifs de projets de société du passé et du présent en rassemblant sur un même site puis dans trois livres, les grandes et petites figures qui changent le monde vers plus de justice, de paix et de diversité. Nous voulons enraciner les alternatives dans l’histoire, montrer que hier comme aujourd’hui d’autres choix et d’autres directions sont très concrètement possibles pour vivre ensemble. »

Je suis actuellement un certificat « culture et spiritualité » à l’ISTR, il est l’occasion pour moi de reprendre la Bhagavad Gitâ, de me poser les questions essentielles sur l’action et notamment l’action désintéressée et au-delà sur ce qui motive les être à agir sans attente des fruits de leur action. Qu’est-ce qui nous anime ? Quel est notre moteur quand nous avons fait disparaître (un peu) notre ego, que nous ne visons plus le succès, l’argent, le pouvoir ?

J’ai le souhait que les élèves en yoga ressentent que « la source vitale doit toujours être la vie elle-même, non une autre personne » comme nous le dit Etty Hillesum, car pour apprendre, il faut juste vivre.

Le souhait que chacun se découvre ou se redécouvre dans la pratique du yoga mais aussi par l’étude de soi et l’étude des textes (svadhyaya).

Que chaque transformation intérieure vienne impacter positivement notre monde.

Que chacun se sente responsable de ses actes, de ses pensées.

Aussi je rejoins Prajnânpad dans son souhait « Puissiez-vous devenir établi en vous-même » et Krishnamurti : « Faire quelque chose sans mobile, c’est aimer ce que l’on fait ».

Puissions-nous aimer la vie, les autres et nous-mêmes et agir en conséquence.

 

Proposé par Dominique Bart

 

Pour aller plus loin :

Disponible à la bibliothèque de l’UCY : la revue et ce numéro où vous pourrez lire cet article en entier.

EFY – Ecole française de yoga : http://efy.asso.fr/ 

Changeurs du monde : http://www.changeursdemonde.net/

Rédigé par UCY

Publié dans #YOGA

Repost0
Commenter cet article