La réhabilitation du mystère féminin de la création

Publié le 21 Juillet 2010

 

Sources  

 n°14  -   Mai - Juin - Juillet 2010

   par Llewellyn Vaughan-lee

 

Llewellyn Vaughan-leeProfondément imprégnée de valeurs masculines, liées au rationnel et à l'extériorité, notre culture est à l'origine d'un monde coupé du principe de vie, un monde violenté et fragmenté. La renaissance spirituelle, l'union des mondes du dedans et du dehors passe par la revalorisation du féminin.

Porteuse de vie et avec sa compréhension innée du fait que la vie est une, la femme véhicule en effet ce potentiel de guérison et de transformation...

 

Tel est le message que délivre ici Llewellyn Vaughan-Lee, disciple et successeur d'Irina Tweedie, initiée au soufisme en Inde et auteur du célèbre témoignage "L'abîme de feu".

A la tête du Golden Sufi Order, qu'il a fondé aux États-Unis pour transmettre les enseignements de cette voie, il a écrit de nombreux ouvrages où son cheminement personnel dans la mystique soufie est éclairé par la psychologie jungienne et l'approche transpersonnelle.

 

 

La matrice de la création

 

Le féminin est la matrice de la création. La vérité est profonde et fondamentale, et toute femme la connaît dans les cellules de son corps ainsi que dans son instinct. C'est de la substance même de son être qu'apparaît la vie. Elle conçoit et donne la vie, elle participe à l'immense mystère de faire venir une âme à l'existence. Nous avons cependant oublié ou nié la profondeur d'un tel mystère, oublié comment la lumière divine de l'âme crée un corps dans le ventre d'une femme, et combien la mère donne dans cette merveille, elle qui offre son sang et tout son corps à celui qui va naître. Notre culture a mis l'accent sur l'aspect désincarné et transcendant de Dieu, elle a ainsi écarté la femme et nié le caractère sacré du simple mystère de l'amour divin.

 

Nous ne nous rendons pas compte que ce déni patriarcal affecte non seulement chaque femme mais la vie elle-même. Lorsque nous renions le divin mystère du féminin, nous renions un aspect fondamental de la vie. Nous séparons la vie de son centre sacré, de la matrice qui nourrit toute la création. Nous avons besoin de cette source, qui a donné la vie à chacun de nous, pour donner un sens à notre existence, pour la nourrir de ce qui est réel, et pour nous révéler l'énigmatique et divin but dans le fait d'être en vie...

 

Nous avons occulté la source sacrée du sens de la vie ainsi que son dessein divin, connu des prêtresses. L'on pourrait croire que leurs rites de fertilité et leurs diverses cérémonies n'étaient qu'une réponse au besoin de procréation ou de récolte fertile. Dans notre culture contemporaine, il nous est impossible de comprendre qu'un mystère plus profond se jouait là... Ce temps est révolu, et la sagesse du féminin n'a pas été transcrite, elle a été transmise oralement ; cette connaissance sacrée est par conséquent perdue. Il nous est impossible de faire revenir le passé mais nous pouvons témoigner d'un monde dont cette sagesse est absente, d'un monde exploité par notre avidité et notre pouvoir, d'un monde que nous violentons et que nous polluons avec insouciance...

 

Le retour à la sagesse sacrée

 

Un aspect de la sagesse du féminin consiste à attendre, à être à l'écoute, réceptif. La femme ne sait pas consciemment comment amener la lumière d'une âme dans son ventre et l'aider à former un corps. Pourtant ce mystère a lieu en elle... Elle est le mystère de la naissance de la lumière dans la matière et sa grossesse est une période de réceptivité, d'attente, d'écoute et de ressenti de ce qui se passe en elle. La Grande Mère et la femme sont un seul être, et si la femme écoute à l'intérieur d'elle, toute la connaissance dont elle a besoin lui est donnée...

 

Nous avons délaissé la simple sagesse féminine de l'écoute et, à notre époque submergée d'informations et de paroles, il est aisé de sous-estimer la connaissance instinctive qui vient de l'intérieur. Les principes sacrés de la vie sont du domaine du battement du cœur, du rythme de la respiration et de l'écoulement du sang. Ils sont aussi vivants que la pluie, les rivières, la lune qui croît et décroît. Si nous apprenons à écouter, nous découvrons que la vie, la Grande Mère, nous parle et nous dit ce que nous avons besoin de savoir. Le monde dans lequel nous sommes est un monde qui est en train de mourir et qui attend de renaître ; et il n'y a pas un mot dans les livres ou sur internet qui nous dira quoi faire. Le féminin sacré peut partager avec nous ses secrets, nous dire comment être, comment mettre au monde son retour. Parce que nous sommes ses enfants, la Grande Mère peut parler à chacun de nous, si nous avons l'humilité d'écouter.

 

Chaque moment est neuf. L'instant présent n'est pas seulement la progression des instants passés, il est nouveau à sa manière, qui est unique, complète et parfaite. Ce n'est que dans l'instant qu'il nous est donné d'être conscients et d'avoir une réelle réponse au réel besoin. Ce n'est que dans l'instant présent que nous pouvons être pleinement attentif et que le divin peut se manifester dans l'existence. Les hommes peuvent élaborer des plans, mais la mère attentive à ses enfants connaît le besoin réel du moment. Elle ressent dans son être, et selon un mode voilé pour le masculin, que tout est relié dans la vie...

 

A travers sa marche vers la maîtrise et sa peur du féminin, sa peur de ce qu'il ne peut ni comprendre ni contrôler, le système patriarcal a non seulement négligé le féminin mais l'a délibérément torturé et détruit. Alors le féminin est en colère, même si sa colère a été réprimée en même temps que sa magie. Accueillir le féminin, c'est reconnaître sa souffrance et sa colère, ainsi que le rôle que nous avons joué dans cette profanation. Les femmes aussi ont souvent collaboré avec le masculin, elles ont renié leur propre puissance et leur magie naturelle, au profit des valeurs et des façons de penser masculines. Elles ont trahi leur être le plus profond...

 

Nous faisons partie de la création, nous devons lui demander pardon et prendre la responsabilité de nos comportements et de nos actions. Il faut que nous entrions dans l'ère suivante consciemment et en reconnaissant nos fautes... Pour progresser vers la maturité, il faut toujours reconnaître ses erreurs et les torts que l'on a commis.

 

Naître à l'unité

 

Entrer dans la matrice du féminin est un véritable défi : c'est honorer quelque chose d'aussi sacré et simple que la sagesse de la vie... A présent que, par notre ignorance et notre avidité, nous avons créé nous-mêmes nos désastres, notre premier pas consiste à faire appel à notre mère et à écouter sa sagesse... Nous découvrons que des changements peuvent se produire dans les profondeurs de la création à laquelle nous appartenons et que la pollution et la douleur que nous avons causées font partie intégrante d'un cycle de vie qui inclut sa destruction apparente. Nous ne sommes pas seuls, même dans nos erreurs...

 

Tout est partie intégrante de l'ensemble, y compris les erreurs et les catastrophes... En reprenant simplement conscience de cette réalité, nous nous apercevons que des changements se produisent et exigent notre participation et notre présence. Nous voyons que l'axe de la création est en train de se déplacer et que quelque chose est en train de naître d'une manière nouvelle. Nous sommes en train de renaître, non comme individu séparé mais comme un tout...

 

Le féminin connaît l'unité. Il la ressent dans son corps et dans sa sagesse instinctive. Il connaît sa relation au tout, de même qu'il sait nourrir ses enfants. Le féminin souffre car il ne sait pas utiliser cette connaissance dans notre monde rationnel et scientifique...

 

Cette connaissance instinctive alliée à une conscience masculine pourra alors s'exprimer par des mots et pas seulement par des sensations. Nous pouvons associer la science du mental et la lumière de la connaissance intérieure. Un projet pour la planète pourrait nous être donné pour vivre dans une harmonie créative avec l'ensemble du vivant.

 

Que signifie réhabiliter le féminin ?

  • Cela signifie honorer notre lien sacré avec la vie qui est présent à chaque instant, prendre conscience que la vie est une et commencer à reconnaître les interactions qui constituent le tissu de la vie.
  • Cela signifie prendre conscience que toute action, toute pensée affecte l'ensemble.
  • Et cela signifie aussi permettre à la vie de s'adresser à nous.
  • Les média et la publicité nous bombardent constamment d'impressions et il n'est pas facile d'entendre la voix de la vie.
  • Mais elle est présente malgré nos peurs et nos désirs, nos angoisses et nos attentes.
  • Et la vie attend que nous l'écoutions ; il suffit d'être présent et attentif. Elle essaie de nous transmettre les secrets de la création afin que nous participions à la merveille qui est en train de naître.

 

Nous sommes en exil, dans un paysage stérile rempli de fantasmagories sans âme.

Il est temps de rentrer chez nous.

Des signes apparaissent, pas seulement à travers notre insatisfaction et dans le sentiment que nous avons d'avoir été exploités et bernés.

Ils transparaissent dans une magie qui commence à émerger, à la manière de battements d'ailes d'anges que nous ne voyons pas mais que nous sentons.

Il nous est rappelé qui nous sommes réellement, il nous est rappelé la présence divine qui est en nous et dans la vie.

Nous aspirons à cette magie, nous avons la nostalgie d'une vie unissant les mondes du dedans et du dehors...

 

Le mystère du féminin divin nous parle de l'intérieur de sa création. Ce n'est pas un dieu éloigné dans le ciel, mais une présence, proche de nous, et qui a besoin d'une réponse. C'est le divin qui revient revendiquer sa création, c'est-à-dire ce que signifie la véritable merveille d'être en vie. Nous l'avons oublié de même que nous avons oublié ce qui est sacré alors que c'est une partie de nous-même. Maintenant, le féminin a besoin d'être reconnu, non pas comme un mythe ou une image spirituelle, mais comme une part de notre sang et de notre souffle. Il peut nous éveiller à une attente qui est dans l'air du temps, à une ancienne mémoire qui naît d'une façon nouvelle. Il peut nous aider à faire naître le divin qui est en nous et l'unité qui nous entoure. Il peut nous aider à nous rappeler notre vraie nature.

 

 

Pour aller plus loin :

De Llewllyn Vaughan-Lee, on peut lire en traduction française :

Le Visage d'avant ma naissance. Une autobiographie spirituelle,

Éditions de la Table Ronde, 2004

Rédigé par UCY

Publié dans #Spiritualité-philosophie

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