La femme dans la tradition du yoga
Publié le 15 Mai 2019
LE JOURNAL DU Yoga
N° 203 - mars 2019
Il est nécessaire au préalable d'envisager le terme « Yoga » dans son acceptation intégrale. Le sens étymologique est connu sous le terme de (yug) union et moins répandu sous le terme de (yuj) traduit par repos, celui du mental, comme décrit dans le deuxième sutra de Patanjali et traduit généralement par : Yoga est la cessation des fluctuations du mental.
Il est aussi possible de définir le terme « yoga » comme une « praxis » c'est à dire un ensemble de pratiques ayant pour but de transformer le sujet ou de l'éveiller à sa véritable identité ou nature « Jivâtmâ » vers « Atmâ ».
Par Sri Hanuman et Pascale Harmony
Depuis l'Inde antique le « Yoga » s'est organisé et développé par lignées de transmission (gurushishya parampara) sur un socle d'écrits faisant autorité comme: Samkhya, Yoga Sutra, Hatha Yoga Pradipika, Gherandha Upanishad et bien sûr les multiples Tantra d'obédience Shivaïte, Shakta, Vaishnave.
Ces textes fondateurs ont tous en commun d'avoir été composés par des hommes dans le cadre majoritairement réservé au « Sannyasa » (abandon par le renoncement). Les adeptes regroupés autour de l'acharya (maître) pratiquant le célibat, à l'écart du sexe dit « opposé », à savoir la femme. Il a existé et existe encore en moindre nombre des lignées tantriques admettant la mixité. Le Vama Marga ou voie dite de la main gauche en est un exemple ou plus populairement les « Bauls » du Bengale.

Pourquoi n'y a-t-il aucun texte fondateur écrit par une femme ? Y aurait-il un sexisme au royaume du « Yoga » ?
Cette question pourrait tout aussi bien se poser pour les traditions théologiques et philosophiques occidentales dont les écrits sont l'apanage de la gent masculine. En ce qui concerne le yoga, il est intéressant de constater qu'une culture ayant élaboré des hymnes et cultes des plus raffinés voire complexes, dédiés à Devi (déesse) sous tous ses aspects, n'a donné naissance en apparence à aucun traité composé par une femme. L'argument qui sous-tendrait l'idée que la femme n'avait pas accès au savoir, donc à l'écrit, est totalement exclu dans un contexte familial de lettrés dont la femme était initiée au shastra (savoir spirituel).
Société paritaire
La société védique du premier âge (Rig-Véda) était bien plus paritaire qu'à l'époque médiévale. La femme pouvait occuper la place d'enseignante spirituelle et générer des enseignements faisant autorité. Un certains nombre de rishi védiques étaient des femmes appelées « rishika ».
Voici quelques noms parmi les principaux : Sulabha, Lopamudra (consœur d'Agastya), Gargi, Ghosha, Maitrayi. Le Sulabha Shakha du Rigveda Samhita est attribué à Sulabha, comme le nom l'indique. Maitrayi fut la consœur du sage Yajnavalkya dont la Brihadaranyaka Upanishad relate leur dialogue sur l'immortalité.
Il semblerait que les Lois de Manu aient dégradé l'image de la femme tout en lui enjoignant un code de protection. Cet exemple illustrera le propos : « Si une femme devait simplement entendre par hasard des récitations de mantras védiques, du verre fondu et chaud devrait être versé dans ses oreilles » (Manusmriti).
Initiées aux savoirs spirituels

De grandes figures féminines ont plus tardivement marqué le paysage spirituel indien, par exemple : Lalleshwari, la sainte du Kashmir, Meera Baï, immense poétesse Bhakta. Leur expression fut poétique, voire mystique, mais n'a jamais eu force de traités faisant autorité dans les arcanes yogiques ; cela est en effet bien dommage. Quel aurai été l'impact contemporain si nous avions pu bénéficier de leur guidance !
Dans l'étendue des voies yogiques, on constate que la femme y occupait une place plutôt discrète, voire inexistante. Le modèle à suivre, enjoignant le renoncement, ne pouvait s'appliquer au statut de mère, rôle incontournable pour la femme.
Conséquemment, les grandes yogini assument le nom de Maa (Sainte mère), ce qu'elles représentent sur un plan universel.
Il est souvent cité l'exemple d'Indra Devi,
première femme occidentale à suivre les enseignements de Sri Krishnamacharya, qui disait : « Ce n'est pas la personne qui doit s'adapter au yoga mais le yoga doit être ajusté à chaque personne ». Il est probable que nos temps actuels aient entendu ce message puisque les femmes y sont plus présentes dans les écoles de Yoga, particulièrement en Occident.
présentée par Monique Guillin