L’affaire des bébés sans bras… Un déni sanitaire

Publié le 20 Décembre 2023

ALTERNATIVE SANTE

N° 115  -  Septembre 2023   

D’après une interview de Mélanie Déchalotte interrogée par Elise Kuntzelmann.

Frappée par le manque l’intérêt des pouvoirs publics français pour les naissances des bébés sans bras survenues sur des sites similaires, la journaliste Mélanie Déchalotte a poursuivi l’enquête.

Elle a consigné le fruit de ses investigations dans une bande dessinée saisissante, illustrée par Pierrick Juin, dessinateur chez Charlie Hebdo.

E K : quelles sont les pistes probables de cette malformation ?

M D : Il y en a plusieurs :

L’eau a été envisagée comme vecteur possible de la molécule qui a empoisonné les mères durant leur grossesse.

Ensuite la piste des pesticides qui s’est révélée très complexe ; en travaillant sur la Bretagne, un ingénieur agronome a mis en évidence deux molécules tératogènes susceptibles de causer des anomalies congénitales et possiblement utilisées par les agriculteurs dans les champs à proximité des habitations.

 De notre côté nous avons investigué la piste des pesticides interdits : certains ont bénéficié d’une dérogation, d’autres sont issus de la contrebande. De nombreux rapports sur la qualité de l’eau montrent que les eaux souterraines et les rivières contiennent des taux affolants de pesticides interdits qui témoignent d’un usage courant. En France et dans toute l’Europe le trafic de produits phytosanitaires, extrêmement lucratif, est exponentiel. Des saisies de pesticides de contrefaçon ont eu lieu dans les zones de clusters.

Enfin il y a la piste des métaux lourds. Dans la région de l’étang de Berre, où l’on soupçonne un cluster, on trouve encore du lindane (un insecticide interdit depuis 1998) mais aussi des quantités importantes de cadmium (connu pour ses effets embryotoxiques et tératogènes chez le rat).

Par ailleurs le cadmium est présent dans les engrais phosphatés utilisés en agriculture conventionnelle pour enrichir les terres détruites par les pesticides. En France il a fallu attendre avril 2022 pour que la teneur en cadmium soit limitée à 60 mg par kilo d’engrais (seuil encore 3 fois supérieur aux recommandations de l’Anses).

 

EK : combien de cas de bébés sans bras ont été recensés en France ?

M D : pour les cas officiels, il y en a huit dans l’Ain, quatre en Bretagne et trois en Loire Atlantique. Mais les malformations ne sont pas des pathologies à déclaration obligatoire.

 

EK : vous évoquez dans la bande dessinée les questions culpabilisantes posées aux mères par SPF (Santé Publique France) quant au déroulé de leur grossesse.

M D : les mères ont dû répondre à un questionnaire interminable (par exemple : si elles avaient mis de la crème cosmétique sur leur corps …) ; ces questions visaient à instiller chez les mères l’idée qu’elles pourraient avoir une responsabilité dans la survenue de la malformation chez leur enfant.

 

E K : l’inaction des pouvoirs publics est-elle due à la pression des industriels ?

 M D : Il est évident que l’industrie agro chimique n’apprécie pas que l’on pointe du doigt l’utilisation de certaines substances tératogènes qu’elle commercialise.

Mais ceci n’explique pas tout. Pourquoi Santé Publique France n’a jamais consenti à reconnaitre le cluster de l’Ain alors qu’il est scientifiquement prouvé ? SPF maintient qu’il n’y a pas un excès de cas ce qui permet d’’éviter de reconnaitre leur responsabilité dans leur défaut de gestion de l’alerte et donc dans la survenue de nouvelles naissances de cas de 2011 à 2014.

 

E K : y a-t-il selon vous des similitudes avec d’autres scandales sanitaires ?

M D : On observe souvent la mise en place d’une campagne de diffamation publique envers la personne qui sonne l’alerte, comme par exemple Irène Frachon dans le scandale du Médiator.

 

E K : l’affaire est-elle aujourd’hui close ?

 M D : Sur le plan juridique, il reste un espoir. Pour les deux familles qui ont porté plainte (l’une dans l’Ain, l’autre en Bretagne) l’affaire a été classée sans suite par le procureur. Mais la famille bretonne réfléchit à pousser plus loin les poursuites judiciaires.

Avec Pierrick Juin, le dessinateur, nous espérons que cette enquête sensibilisera les lecteurs à l’importance des questions de santé environnementale qui touchent la femme enceinte.

 

Proposé par christiane Delabre

 

A lire : BD « BEBES SANS BRAS, UN DENI SANITAIRE » de Mélanie Déchalotte et Pierrick Juin -  Edition : les Echappés ; 128p, 22€

 

 

 

Rédigé par UCY

Publié dans #Environnement-écologie, #Santé-alimentation -

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