Expérience d’enseignement de Yoga à la ligue contre le cancer
Publié le 29 Mars 2023
Les Carnets du Yoga
N°407 – Mai 2022
Christiane Humbert et Roland Schaaf, tous deux enseignants de yoga de l’énergie nous parle de leur expérience d’enseignement dans le cadre de la Ligue contre Cancer à l’antenne de Strasbourg depuis 2017. Deux cours existaient déjà, nous les avons repris et en avons ensuite rajouté quatre au vu de l’intérêt croissant pour cette pratique dans un environnement protégé.
Le public concerné est exclusivement constitué de personne en cours de traitement contre le cancer –chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie, suite d’opération-. Les séances sont gratuites. Elles ont lieu dans les locaux de la Ligue et dure une heure pour des groupes de 5 ou 6 personnes.
Les personnes en traitement sont sensibles et fragiles. Notre pratique de yoga doit donc s’adapter à leurs difficultés spécifiques, lesquelles varient à chaque séance selon leur état du moment, en fonction des traitements suivis et de l’évolution de la maladie.
Nous avons des personnes qui sont à des stades différents, certaines en rémission, d’autres en attente d’une opération ou d’autres en traitement post-opératoire. Aussi nos propositions s’ajustent-elles à chacun(e), ce qui revient souvent à faire du « sur-mesure », voire à guider plusieurs pratiques différentes dans la même séance.
Il y a environ 30 personnes inscrites pour les 6 cours. Nous recevons des personnes de tous les âges, de tous les horizons. Certains ont déjà pratiqués le yoga et sont en quête de retrouver leur forme d’avant et des sensations corporelles déjà vécues. D’autres, au contraire, découvrent totalement une discipline dont ils avaient une idée un peu floue et qui ne les concernait pas d’emblée, ni ne les attirait.
Les traitements étant éprouvants, cela impacte leur corps physique et le mental. Les symptômes les plus courants sont : la fatigue, les fluctuations du moral, la difficulté à respirer, les douleurs musculaires et articulaires, des inflammations articulaires et cutanées, des limitations dans les mouvements suite aux opérations subies, des troubles de l’équilibre, une difficulté de mémorisation.
Nous insistons sur le fait que le yoga n’est pas une thérapie à proprement dite mais qu’il constitue un complément aux thérapies suivies par ailleurs –kinésithérapie, ostéopathie, entre autres-. Cette remarque nous la vérifions à chaque séance ! il suffit pour cela d’accueillir le sourire revenu aux lèvres, la détente qui s’inscrit sur les visages et l’ouverture de tout l’être qui se manifeste à chaque fin de pratique.
L’enseignant est toujours le même pour chaque groupe, une relation de proximité peut ainsi se mettre en place au travers de rencontres régulières une fois par semaine dans les locaux de la Ligue à Strasbourg. Les tapis et des coussins sont mis à la disposition des pratiquants. Les cours ont lieu sur quinze semaines hors vacances scolaires.
Notre objectif a été posé clairement dès le départ : apporter par la pratique du yoga un soutien dans l’épreuve que traversent ces personnes dans le respect de leur intimité et leur intégrité. Si cela est aussi le cas dans un cours « en ville », nous avons pu rapidement nous rendre compte que face à ce public, ces consignes sont d’une actualité impérative.
« D’emblée nous avons pris conscience qu’enseigner le yoga à un tel public, c’est aller au cœur du yoga. »
Nous avons été émerveillés du courage des élèves, qui se montrent assidus alors qu’elles (ils) vivent souvent dans une souffrance physique mais aussi morale, avec de l’anxiété à gérer, des difficultés de concentration. Par ailleurs des liens étroits se nouent entre pratiquants, (des sourires, des rires communicatifs…) dans le respect des limites de chacun. Les consignes si importantes en yoga à savoir : ralentir, être dans le geste conscient, ne pas entrer en compétition ni avec soi-même ni avec les autres dans la pratique des postures, sont ici pleinement intégrées très rapidement. Suivant l’état de fatigue, nous devons remanier sur le moment suivant ce que nous ressentons de leur état ; mais la plupart du temps la volonté de s’engager dans la pratique malgré les aléas est présente. Très rapidement chacun et chacune nous disent le bien-être ressenti après les pratiques, même si cela leur a paru difficile. Notre rôle ici est d’encourager, de redonner confiance et de ménager un temps de pause par rapport à ce qui les soucie.
Nous suivons une progression sur les 15 séances :
-dans un premier temps, l’accent est mis sur la découverte de leur respiration et de la proposition du yoga par des gestes simples comme lever les bras à l’inspiration, les ramener à l’expiration, en position couchée d’abord puis assise, en sentant les effets sur la cage thoracique. Avec également l’exercice de la vague du souffle, la prise de conscience des trois étages de la respiration ainsi que des exercices pour allonger la respiration. C’est souvent une découverte pour la plupart.
L’un des participants ayant eu à subir une intervention chirurgicale au cours du cycle, nous a fait part lors de son retour de ce qu’il a pu mettre en pratique avec l’exercice de la vague du souffle (respiration complète en yoga) pour se calmer et aborder ainsi plus sereinement cette épreuve.
Nous constatons très souvent une difficulté à laisser se déployer la cage thoracique, et les premières séances ressemblent à une redécouverte de ce que « respirer » veut dire.
Nous insistons sur la nécessité de retrouver quatre phases dans la respiration et cela dans les trois espaces (abdomen, basses-côtes, partie haute thoracique) : le temps de l’inspiration, de l’expiration et aussi les temps de pause à la fin de l’inspiration et à la fin de l’expiration. Nous les guidons dans la découverte de ce qui s’installe librement avec la pratique. (Sans vouloir le faire !).
« Nous avons constaté que les élèves sont très sensibles à cette manière d’envisager l’inspiration comme un don que l’on reçoit et que l’expiration est un retour que l’on donne. Il y a là une sagesse qui est vécue comme un baume au cœur, apaisant l’état de tension voire de souffrance. »
Puis progressivement nous allons vers des postures exécutées dans le mouvement. Avec des phrases ou enchaînements en douceur et dans la lenteur. Nous insistons sur la coordination geste/respiration qui renforce leurs capacités de concentration au travers du geste conscient. Nous abordons les différentes familles de postures (une par séance) en constatant que les équilibres, bien que difficiles, sont sources de prise de confiance en soi et son très appréciés. Nous leur proposons toujours de ne pas vouloir aller trop loin dans les postures jusqu’à la douleur. Etirer les bras au-delà de la tête est souvent difficile ; nous leur suggérons d’approcher leur limite, en faisant de l’exercice une exploration de leurs possibilités. Ils sont souvent surpris de constater qu’ils peuvent faire ce que nous leur proposons. C’est l’occasion de transcender leurs peurs et de revenir dans la vie « de tous les jours comme avant ».
Nous terminons toujours par une détente en silence à la suite de quoi, bien souvent il y a des questions sur la symbolique des postures, sur l’état d’esprit du yoga, voir sur la spiritualité de l’Inde. C’est aussi un moment de partages, les participant s’échangent des conseils, des adresses de thérapeutes, des avis sur les traitements, ce qui lie le groupe et renforce une certaine cohésion. Il règne de la bonne humeur dans une ambiance conviviale.
Témoignages :
« J’ai surtout découvert le lâcher-prise car je suis toujours très tendue, même en marchant je n’arrive pas à me détendre. Là je me sens en sécurité, je peux me déposer, faire une coupure. C’est comme un vide agréable »
« J’ai vraiment découvert ce que respirer veut dire ! »
« Je reviens parce qu’on peut rire et bailler ici ! »
« J’ai le plaisir de retrouver le groupe »
« Je découvre qu’on travaille les muscles. Les mouvements me soulagent. Je prends conscience de tous les éléments de mon corps auxquels je n’avais pas accès avant. »
« Je tisse une relation d’amitié avec mon corps, c’est comme une renaissance »
« Je m’étais oublié, je me retrouve, c’est un émerveillement ! »
« Je retrouve le sentiment d’exister »
« Je dispose d’une heure pour moi seule »
« Pendant la séance, je ne pense à rien d’autre »
« A la maison je fais des respirations comme je les apprends ici pour m’endormir »
En conclusion, nous voudrions témoigner du bonheur vécu à enseigner à des pratiquants dont nous apprenons peut-être plus encore que nous ne leur apprenons. Les côtoyer revient à les accompagner dans une démarche de réunification en plein accord avec le sens du mot yoga. Ici, chaque petit pas est une victoire, chaque visage qui s’éclaire après la séance est une récompense. Au-delà du travail du corps, c’est le lien humain, le partage qui sont mis en valeur par la pratique.
Notre mission est définie par une Charte de bonnes Pratiques énoncée par la Ligue. On y retrouve des exigences bien connues des enseignants de yoga adhérents à la FNEY au travers du Code de Déontologie.
Nous nous engageons à ne pas nuire aux participants, à respecter la vie privée et l’intimité de nos élèves.
Pour aller plus loin :
La Ligue contre Cancer est une association loi 1901 créée en 1918. Elle repose sur la générosité du public et sur l’engagement de bénévoles et de salariés formés pour répondre aux besoins des personnes concernées par le cancer. Il existe 103 comités départementaux sur tout le territoire national. Les buts de l’association sont :
- informer, sensibiliser, prévenir pour lutter contre cancer.
- améliorer la qualité de’ vie des personnes malades et de leurs proches.
- changer les mentalités face au cancer.
Proposé par Dominique Bart
Hommage à une amie décédé -
"Nous sommes très heureux d'avoir pu partager avec toi une partie de ta vie ! Toi qui avait l'art de cultiver l'amitié et la bonne humeur, tu rendais tous ces moments joyeux et uniques. Merci