La promesse du paradis dans le bouddhisme

Publié le 27 Mars 2013

Les carnets du yoga

N° 313 – janvier 2013

  D'après un article de Ysé Tardan-Masquelier

Cette notion de paradis est présente dans de très nombreuses cultures, pour ne pas dire dans toutes les cultures. Qu'en est-il dans le bouddhisme ?

Le bouddhisme originel : une sagesse qui n'a pas besoin de la promesse d'un paradis

  Le bouddhisme, né sur les bords du Gange au V° siècle avant notre ère, ne s'intéresse d'abord nullement au destin après la mort.

Le Bouddha, au cours d'un état de méditation profonde qui dura 49 jours et qui aboutira à son illumination, combat Mâra, une divinité qui personnifie l'aspect mortifère des plaisirs et des désirs.  

On peut dire qu'il sort vainqueur d'une forme de mort psychique qui repose sur l'illusion que les objets de désir sont permanents. Par la suite, il refuse de répondre aux questions que ses disciples se posent à propos des dieux, de l'origine du cosmos ou de la forme que peut prendre une éventuelle immortalité.

Rompant radicalement avec les enseignements du Veda, il demande que tout l'effort de sagesse porte sur une analyse de la situation présente, dans la vie actuelle.

Le Bouddha expose cette nouvelle doctrine qui ne fait appel à aucune divinité, à aucune représentation de l'au-delà, dans un enseignement synthétique célèbre sous le nom de « Sermon des quatre vérités ».

La première noble vérité : « tout est malheur »

Le terme recouvre  diverses notions en français : souffrance, imperfection, impermanence, conflit ; le sens est plus métaphysique qu'affectif, il a trait à une condition d'existence... C'est la souffrance ordinaire, la souffrance occasionnée par le changement, l'état conditionné (ce sens étant spécifiquement bouddhiste).

La seconde noble vérité : « à l'origine est la soif »

Soif des sens ; soif d'exister et de devenir ; soif d'annihilation. Cette soif engendre une force qui continue de s'exercer par-delà la mort physique et tend à une renaissance.

 « Tant qu'il y a la "soif " d'être et de devenir, le cycle de continuité (samsâra) se poursuit. Il ne pourra prendre fin que lorsque la force qui le meut, cette soif même, sera arrachée, coupée par la sagesse qui aura la vision de la Réalité, de la Vérité, du Nirvâna ».

 La troisième noble vérité : « il peut y avoir cessation »

C'est le nirvâna, « extinction de la soif ». Cette extinction de la soif et la vision des choses telles qu'elles sont, constituent la même démarche, réalisable en cette vie, et sans qu'aucune expérience mystique soit nécessaire, simplement en pratiquant assidûment le « sentier ».

La quatrième noble vérité : « il y a un chemin »

C'est « le sentier du milieu », ou le « noble sentier octuple ». Les huit vertus doivent être pratiquées selon une attitude constante formée de deux qualités complémentaires :  la compassion et la sagesse, marquant l'équilibre entre l'affectif et l'intellectuel.

 

  Sila, l'éthique personnelle et sociale  comprend :

Parole juste,

Action juste,

Moyens d'existence justes

 

  Samâdhi, la discipline mentale comprend :

Effort juste,

Attention juste,

Concentration juste

 

  Prajnâ, la sagesse comprend :

Compréhension ou vue juste,

Pensée juste (non attachement, non-violence, amour universel)

 

« C'est une discipline du corps, de la parole et de l'esprit,

un développement et une purification de soi par soi-même.

Cela n'a rien à voir avec la croyance, la prière, l'adoration ou les cérémonies ».

 

De l'inutilité de se poser des questions sur l'au-delà

 Le bouddha n'apporte donc pas une nouvelle religion ; il entend offrir aux humains uniquement ce dont ils ont besoin pour se délivrer de la souffrance dans cette vie-ci.

 Les réponses qu'il donne n'en appelle pas à des divinités auprès desquelles on trouverait le bonheur après la mort, mais à une analyse et à un chemin de discernement sur terre. .../...

La croyance en des paradis et des enfers ne se trouve nullement nécessaire. D'ailleurs il n'existe dans le bouddhisme originel ni péché, ni châtiment, ni récompense.

 Il n'y a pas non plus une âme éternelle, un principe spirituel qui subsisterait après la mort et qui pourrait être jugé pour ses actions.

 

 Mutation du bouddhisme et croyances en l'au-delà

  Pourtant, ce qui était d'abord la recherche de quelques rares ascètes se diffuse et connaît un large succès. Du coup, la question du divin et d'un éventuel paradis se repose différemment, et cela pour plusieurs raisons.

 Progressivement, certaines écoles du Grand Véhicule (Mahâyâna) vont ouvrir la possibilité de l'éveil ou nirvâna à tous : chacun, à sa mesure, peut cheminer vers la prise de conscience de sa « véritable nature de bouddha », de sa « bouddhéité ». Mais tous ne peuvent suivre la voie difficile de libération ici et maintenant prônée par le Bouddha ; alors va se développer l'idée que les grands saints qui ont réussi à devenir des bouddhas peuvent aider les autres en les attirants vers eux, dans des sortes de paradis qu'ils ont tissé avec leurs mérites.

 D'autre part, le bouddhisme pénètre dans des régions d'Asie où des croyances à propos des mondes autre s, paradis ou enfers, existaient déjà ; il va y avoir un syncrétisme entre la sagesse bouddhiste et ces anciennes religions, en particulier au Tibet, où l'ancien chamanisme bön a donné au bouddhisme, au cours du premier millénaire de notre ère, une physionomie et une intensité particulières. C'est cette forme hybride qu'on appelle le Vajrâyâna. Des entités démoniaques ou divines aux aspects très étranges peuplent les arrières-mondes tibétains, mais le lamaïsme a toujours tenu à montrer qu'elles n'étaient que des projections mentales – des fantasmes – qui reflètent les angoisses et les désirs des individus.

 

Le bouddhisme de la Terre Pure

  Le Sûtra du Lotus (vers le II° siècle de notre ère) enseigne que le Bouddha historique est une manifestation du Bouddha éternel qui annonce la pleine vérité sans rien cacher : tout homme porte en lui la « nature  de bouddha » et est ainsi appelé à devenir lui-même bouddha. Il fait de la figure du boddhisattva l'être parfaitement éveillé, qui accepte de retarder sa libération définitive afin d'a ttirer  à lui l'humanité souffrante.  

 De nombreux  boddhisattvas attenden t ainsi les êtres humains dans une sorte de paradis, le Tushita ou « Félicité ». Avalokiteshvara, le « Seigneur brillant » rempli de compassion, devenu une  divinité à part entière au Tibet, en Chine, en Corée, au Japon, règne sur son paradis, le Potala.

 Le plus fameux de ces êtres sauveurs est le bouddha Amitâbha(« Celui à l'éclat infini »), célèbre pour avoir fait le voeu d'accueillir tous les êtres dans sa terre pure, appelée « la Bienheureuse ». Et l'Extrême-Orient, particulièrement le Japon, va investir de grandes espérances dans le salut qu'il apporte, sous le nom d'Amida (d'où « l'amidisme »).

Le moine Dharmakara, lors de son existence terrestre, décide de produire par son ascèse et ses mérites une Terre Pure... Il devient le Bouddha Amida et demeure dans la Terre Pure qu'il a produite... Des textes décrivent cette terre Pure où on ne trouve ni démons ni esprits malfaisants... seuls des êtres saints s'y rencontrent, qui se soutiennent dans la progression vers l'Eveil, le nirvâna.Le bouddha Amida prêche continuellement, produisant une transformation dans le coeur de ses auditeurs, qui ne renaîtront plus dans le monde sensible, ne seront plus soumis au cycle des morts et des réincarnations, à moins qu'ils ne fassent le voeu de boddhisatva, qui est de revenir dans le monde terrestre pour y aider les autres.

 Au XII° siècle au Japon, Honen va  fonder une véritable religion populaire sur ces croyances et affirmer que la seule pratique nécessaire est le  membutsu, la répétition ou l'invocation du nom d'Amida : namu, Amida butsu, « vénération envers Bouddha Amida ».

Shiran, son disciple, grand réformateur japonais du XIII° siècle fait de la foi en Amida la condition centrale de ce salut... les pratiques ascétiques et méditatives tiennent une place secondaire. Il considère que, dès que cette foi est éveillée, Amida ne peut plus abandonner son dévot  - non pas du fait des mérites de celui-ci, mais de la compassion d'Amida... Ni la foi ni la pratique ne sont donc les conditions du salut. Tout vient d'Amida (...) Tous, même le pire pécheur, selon Shiran – pouvaient compter sur la compassion d'Amida. Le bouddhisme avait donc trouvé le moyen de répondre aux besoins du peuple ».

 

    Proposé par Monique Guillin

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Ce dossier vient à la suite des deux précédents, publiés dans les Carnets du Yoga n° 311 et 312. Ces revues sont disponibles à la bibliothèque 

Rédigé par UCY

Publié dans #Spiritualité-philosophie

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