Le souffle, énergie du yoga

Publié le 19 Janvier 2022

 

Les carnets du yoga

Novembre 2021 – n° 403

D’après la rubrique « Interview» - invité : Boris Tatsky

                       

Boris Tatsky a une longue expérience de la pratique du yoga, de sa transmission, de la formation des futurs enseignants et de leur post-formation. Il a fondé deux écoles de formation d'enseignants de yoga. Son dernier livre « Le souffle, énergie du yoga », paru aux Éditions Le Courrier du Livre en juin dernier a motivé l'envie de le rencontrer.

 

Quelle définition donnez-vous du souffle. Pourquoi différencier la respiration, telle qu'elle est connue de tout le monde, du souffle ? Comment passe-t-on de la respiration au souffle ?

 

B.T. : La respiration est la fonction vitale qui permet l'absorption de l'oxygène et le rejet du gaz carbonique. Cet échange gazeux est un support essentiel de la vie. Il témoigne de notre interdépendance avec l'environnement, nous respirons tous le même air, que nous devrions davantage protéger. En moyenne tout être humain respire automatiquement 21 600 fois par jour, presque toujours sans y penser, sans contrôle. Or justement c'est la seule de nos trois grandes fonctions vitales (avec la digestion et la circulation sanguine) sur laquelle nous pouvons agir volontairement.

 

Dans le cadre du Hatha-Yoga, la respiration peut prendre le nom de souffle lorsqu'elle devient consciente, contrôlée, agissant sur la vitalité de la personne. Le passage s'effectue simplement en discernant le mouvement de la respiration à l'entrée des narines puis progressivement en modulant sa vitesse et son débit avec des règles précises. Celles-ci sont notamment présentées et développées dans un texte normatif du Hatha-Yoga, « la Hatha-Yoga-Pradîpikâ » (H.Y.P.).

Le souffle est fin, lent, ample, contrôlé dans des lieux précis du corps, accompagné de concentration et de rythmes spécifiques. Cet encadrement du souffle, de plus en plus subtil, devient la science du prânâyâma qui agit sur les énergies vitales et sur le psychisme du pratiquant. Il va permettre la progression vers l'état de yoga.

La différence entre un contrôle simple de la respiration et le souffle du Râmâyana réside principalement dans la mise en place de ces quatre éléments : la qualité du mouvement conscient du souffle (crâna Tammy), le lieu de concentration (des ha), les suspensions respiratoires rythmées (kombucha) et l'utilisation des gestes spécifiques intérieurs (mudrâ et bancha).

 

  • Les exercices que vous proposez sont structurés en trois degrés. Parlez-nous de cette particularité.

B.T. : Roger Clerc avait reçu de son maître, Lucien Ferrer, cette instruction : « Tu mettras tout cela à leur portée ». En effet la progression dans le yoga de l'énergie ouvre à des exercices d'une profonde subtilité dont la saisie immédiate n'est pas toujours aisée. C'est ainsi que Roger Clerc a parfaitement su mettre au point une pédagogie évolutive pour s'aventurer dans la finesse des états de conscience liés à l’intériorité. C'est avec cette même attitude que j'ai présenté dans cet ouvrage tous les exercices de prânâyâma et de méditation. Chacun d'eux commence avec une grande simplicité, accessible aux débutants, puis doucement il se poursuit en développant des techniques de plus en plus élaborées destinées aux élèves très entraînés et finalement aux professeurs qualifiés. Ces derniers étant également intéressés par la pédagogie proposée pour initier les débutants au prânâyâma. Chaque exercice est décrit minutieusement. Il comporte donc trois niveaux progressifs de réalisation et il est présenté avec :

  • La citation des textes sanskrits de référence qui crédibilisent l'exercice.
  • L'explication des effets et des éventuelles précautions à respecter.
  • Les symboles qui sont afférents à l'exercice et qui éclairent son sens.
  • Des photos qui illustrent les éventuels mouvements. (mudrâ par exemple)

 

  • Progresser selon l’expérience           

Le propos est que chacun puisse progresser selon son expérience en s'ajustant quel que soit son niveau. Ce n'est pas faute d'avoir répété les injonctions, mais le défaut de certains novices est parfois de penser que le plus performant consiste à réaliser le plus difficile. Le plus performant sera toujours de rester dans l'humilité et d'être à l'écoute, avec respect, de ses sensations. Pour construire un édifice, il est préférable de ne pas commencer par édifier le toit mais par les fondations.

 

  • Depuis de nombreuses années vous effectuez des séjours en Inde. Les pratiques, et la transmission du yoga ont dû se modifier au cours des années. Quelle est votre impression ?

B.T. : Traditionnellement, dans l'Inde classique, la transmission du yoga se veut immuable, entrant dans la sanatana dharma, « vivre selon l'ordre naturel et éternel des choses ». C'est pourquoi la majorité des textes sanskrits, fondateurs du yoga, ne sont jamais datés. Actuellement, une évolution se fait malgré tout sentir, en partie liée à l'influence occidentale. Il y a maintenant dans les grandes villes indiennes des cours collectifs de yoga ayant les mêmes formes qu'en Occident, durée des cours, horaires, abonnements, etc..., avec comme objectif un yoga du mieux-être.

 

  • Un état de connaissance et de conscience

Par ailleurs, dans le foisonnement des cours de yoga en Inde, toutes les nuances possibles du yoga existent, du plus spirituel au plus physique, du plus logique au plus irrationnel. Je ne porterai pas d'appréciation sur l'aspect « outil politique » que semble prendre le yoga moderne dans l'Inde d'aujourd'hui, sous l'impulsion de son gouvernement, ce n'est peut-être qu'un épiphénomène dans la sanatana dharma.

 

  • Et en Europe, comment voyez-vous l’évolution du yoga, une discipline de : bien-être ? Médicale ? Compétitive ? Autre ?

B.T. : La plasticité du yoga qui couvre l'ensemble des facultés de l'être humain ouvre à toutes les perspectives que vous citez. Si l'Europe se laisse imprégner par le modèle qui se développe majoritairement aujourd'hui aux États-Unis, le yoga prendra de plus en plus la direction d'une méthode de mieux être, d'anti-stress, ce qui est légitime mais naturellement réducteur.

En Europe, dans la majorité des revues de yoga vendues en kiosques, la pratique posturale est particulièrement mise en avant, ce qui est tout aussi légitime mais tout autant réducteur. Tous, pratiquants et professeurs, nous sommes les dépositaires de la tradition du yoga, il deviendra ce que nous en ferons. Il est souhaitable que nous prenions conscience de l'intégralité du yoga et en particulier de la complexité du Hatha-Yoga qui est un yoga de l'énergie. L'étude, même succincte, des textes fondateurs peut nous aider à éviter de sombrer dans la déformation. Certes il est intelligent et nécessaire d'adapter le yoga à notre époque et à nos modes de vie mais il est tout autant essentiel de conserver son essence, sa globalité, afin de bénéficier de l'étendue de ses bienfaits.

 

La Hatha-Yoga Pradîpikâ (H.Y.P. I,64) précise qu'aucune condition d'âge ou de santé n'est requise pour obtenir l'état de yoga, mais la pratique doit être ajustée à la personne et surtout comporter l'ensemble des éléments précités. Chaque cours, chaque pratique doit se préparer en s'efforçant d'intégrer au mieux l'ensemble des techniques du Hatha-Yoga. Alors il est possible d'évoluer vers un état d'énergie calme, de plénitude et de ravissement lumineux.

 

Proposé par Catherine Cuney et Annie Bianchi

 

 

 

Rédigé par UCY

Publié dans #YOGA

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