Le cycle menstruel, une force au féminin
Publié le 2 Décembre 2020
KAIZEN
N° 53 novembre décembre 2020
L’avis de Mélanie Melot, photographe
. Film "Premières Lunes"
Un projet de film documentaire ethnographique sur la féminité et la célébration des premières règles dans le monde
Les premières règles bouleversent le corps d’une jeune fille parce qu’elles mobilisent tout son système hormonal et une part émotionnelle
Dans les sociétés traditionnelles, elles montrent symboliquement à la communauté l’entrée de la jeune fille dans le clan des femmes. A cette étape de leur vie, les jeunes filles ont accès à des tâches et des actions jusque-là réservées aux femmes, en signe de transmission de la tradition. Chez les Touaregs, par exemple, les grands-mères apprennent à ce moment-là à leurs petites-filles l’usage des plantes médicinales. C’est un apprentissage dans la communauté des femmes ainsi qu’une forme de reconnaissance. La célébration des menstruations signe ainsi le passage à la puberté et la transition vers l’âge adulte. Il y a là une signification profonde, symbolique, qui va au-delà du saignement.
Au Sri Lanka, on nomme les premières menstruations « le chemin en devenir ».
En Occident, nous avons perdu ces rites de passage : on parle de « crise d’ado », on utilise des termes souvent péjoratifs pour qualifier cette période de la vie, alors qu’il existe des visions plus positives dans de nombreuses cultures. On ne prend pas le temps de tourner le regard à l’intérieur de soi-même. On a tendance à marquer les anniversaires, les fêtes commerciales avec des cadeaux, tandis que d’autres cultures perpétuent des rites qui ne sont pas liés à la consommation, mas à une manifestation plus festive qui rassemble la communauté autour d’une identité culturelle. Dans notre société accélérée, on ne permet pas aux femmes de vivre à l’écoute d’elles-mêmes et de leur cycle. On doit toujours être linéaire, axée sur le mode de productivité. Même lorsqu’on accouche, il faut aller vite et ne pas rester trop longtemps avec son bébé !
Nous avons perdu le lien avec certaines traditions de nos origines. Car bien avant le christianisme, 3 500 ans J.C., le druidisme cultivait un rapport sacré au sang des femmes, qui était associé à la puissance et à la reconnaissance de la création. Pour les druides, le sang symbolisait en effet la capacité créatrice de la femme, qu’ils prenaient le temps de célébrer. Dans certains rituels, les femmes déposaient leur sang menstruel directement sur la Terre Mère. Il y avait tout un processus et une réelle gratitude d’être une femme. Le druidisme vénérait par exemple la déesse Morrigane, aussi douce que puissante et guerrière, pas dans une dualité mais une complétude.
Mais cette image de la femme forte qui utilisait le pouvoir de son cycle a commencé à faire peur à l’Eglise. Cette dernière a transformé la déesse Morrigane en déesse Morgane, puis en Vierge Marie. On y a ajouté la notion d’impureté, et les règles sont restées longtemps un sujet tabou. On les a associées à une vision de la femme en sorcière, qui peut faire peur.
Aujourd’hui, de plus en plus de femmes parlent de lunes pour qualifier leurs menstrues de façon plus poétique et proche de la nature. Cette métaphore, qui fait référence au cycle de vingt-huit jours de la Lune, est typique des cultures amérindiennes qui ne se voient pas séparées du vivant et des astres, cultivant un rapport au temps et au cosmos inclusif.
Pour aller plus loin : fr.ulule.com/film-premieres-lunes
Proposé par Catherine Cuney et Martine Oehl