La méditation, une hygiène psychique

Publié le 1 Mai 2019

Sources

 

n°44 - Janvier, février, mars 2019

 

 

Entretien avec Jacques Vigne

 Propos recueillis par Eric Tariant

Médecine et méditation ont la même racine, « med », qui signifie « s'occuper de ».

La méditation cherche à éveiller le bonheur intérieur car si celui-ci fait défaut, la maladie se développe plus facilement, souligne Jacques Vigne.

Psychiatre de formation, il vit en Inde depuis plusieurs décennies, s'employant à bâtir un pont entre les savoirs traditionnels de l'Orient et ceux, scientifiques de l'Occident. Passionné par les spiritualités du monde, il suit de près les recherches neurologiques, en particulier celles qui concernent les thérapies « cognito-comportementales ».

 

Pourquoi êtes-vous parti en Inde peu après la fin de vos études de psychiatrie ? Quelle était votre recherche, votre quête ?

 

En France, j'avais suivi un cursus de médecine et de psychiatrie dans le but d'approfondir le lien qu'il y a entre le corps et l'esprit et je pratiquais le hatha-yoga depuis l'âge de dix-huit ans et la méditation depuis l'âge de dix-neuf ans. La suite logique a été de partir en Inde à la rencontre de yogis qui avaient consacré leur vie entière à ces disciplines. Là-bas, j'ai rencontré des moines qui pratiquaient le yoga appréhendé comme une vocation mystique. Je me suis relié aussi à Swami Vijayânanda, qui était français, médecin, comme moi. Il a consacré toute sa vie en Inde pendant soixante ans, à la pratique de la méditation et, aussi pendant les premières années, du hatha-yoga. Ensuite, il s'est focalisé sur le Védânta. Auprès de lui, j'ai pu disposer d'une bonne formation.

 

L'idée était-elle de trouver de nouvelles formes de thérapies plus holistiques pour sortir des ornières de La médecine allopathique occidentale ?

 

Tout à fait. Je voulais apprendre aux gens à méditer et les aider à développer en eux cette confiance que procure la méditation quand elle est pratiquée avec justesse... Nous avons de nombreuses négativités, blocages et névroses en nous. Plutôt que de se rendre à chaque fois chez le thérapeute, pourquoi ne pas apprendre à repérer nous-mêmes les blocages et à les extraire de notre mental ? La méditation bien comprise est déjà une hygiène psychique, comme se laver les dents.

 

Pourriez-vous revenir sur vos années passées auprès de Swami Vijayânanda ?

 

Swami Vijayânanda suivait la tradition de Ma Anandamayi et ne donnait pas d'initiation officiellement. Il ne donnait pas de méditations guidées. Mais on le voyait tous les soirs et on pouvait parler avec lui de sa vie spirituelle et de sa méditation. Il dispensait ses conseils à de petits groupes de cinq à dix personnes qui vivaient auprès de lui pendant quelque temps, ou passaient juste brièvement. Cela permettait des échanges fructueux. Il soutenait que le maître était là avant tout pour donner de l'énergie à ses disciples et non pas comme un psychanalyste qui étudierait les détails des blocages de leur mental. C'était ensuite à chacun de décortiquer son propre monde intérieur.

 

Comment définiriez-vous la maladie ? Quel est le sens profond de la maladie ?

 

Depuis trente ans je m'intéresse à l'hindouisme et au bouddhisme. Ces traditions nous expliquent que l'homme est malade car il s'emmêle dans ses propres souffrances. Dans ces écoles, on commence par la constatation que l'âme souffre et que l'homme crée la plupart de ses maux, particulièrement les souffrances psychiques. Et l'on cherche ensuite comment s'en libérer. Le bouddhisme et l'hindouisme ont eu une longue interaction sur quinze siècles, qui a amené à cette approche pragmatique de la vie intérieure. On peut atteindre un bonheur stable à condition de comprendre les lois du psychisme. Ils proposent une approche psychologique de la vie intérieure qui est proche de la notion de transcendance.

 

Quelles différences faites-vous entre la douleur et la souffrance ?

 

La douleur s'attache plutôt aux maux physiques, la souffrance est tout ce que l'on rajoute autour de la douleur. Grâce à la méditation, on peut décortiquer l'oignon de la souffrance pour arriver au centre, qui est la douleur. A ce moment-là, on s'aperçoit que la douleur peut ne représenter que 10 à 20 % de nos maux, qu'il y a une gangue de tensions autour de la douleur physique, et si l'on défait cette gangue de tensions, les souffrances se trouvent nettement réduites.

 

Peut-on guérir les maladies du corps et la souffrance de l'âme avec la méditation ?

 

La méditation n'est pas une panacée universelle. Pour qu'elle soit profitable, il faut économiser son énergie en observant par exemple les yamas-niyamas du yoga, c'est-à-dire en se détournant du mensonge, de la violence, du manque de chasteté, de la volonté d’accumuler sans cesse des biens et de la prise d’intoxicants. De plus le bruit de fond permanent de l’information en continu, le bavardage médiatique, nous détournent aussi de l’essentiel. Il est bon de pratiquer des jeûnes d’information comme on fait des jeûnes de nourriture. Quand on cesse de se disperser, on a davantage d’énergie pour soi et on peut ainsi progresser.

Une personne perturbée pourra, dans un premier temps, passer par une phase de psychothérapie avant de commencer à méditer, même si le psychisme est perturbé. Dans ce cas, il est bien que la méditation soit encadrée par un psychothérapeute ou par un enseignant spirituel qui ait des notions de psychologie.

 

En quoi la méditation est-elle un art ou une discipline scientifique ?

 

Pour Swami Vijayananda, il était évident que le yoga et la méditation étaient des sciences. Je partage ses convictions. C’est sans doute le bouddhisme qui a développé le plus la méditation comme une science psychologique. Il est important de comprendre que cette discipline développe des méthodes très puissantes pour calmer, comprendre, modeler et libérer l’esprit. Quand on apaise l’esprit, on voit beaucoup plus loin. Sans ces moyens puissants, il n’y aurait pas de science de la vie intérieure. La limite des psychologues occidentaux tient à ce qu’ils ne possèdent pas de méthodes pour tranquilliser l’esprit en profondeur.

 

Quels sont les dernières découvertes des travaux du Mind and Life Institute ?

 

Quand on regarde le site Pubmen, qui rassemble toutes les publications de médecine et de psychologie, on observe qu’il y avait au total, en 2017, environ 4000 recherches sur le yoga et 4700 études sur la méditation. Richard Davidson, un des plus grands spécialistes de la discipline des relations entre cerveau et méditation, ainsi qu’entre cerveau et émotion, soulignait dans la conclusion du congrès de Denver, qu’il fallait que les chercheurs sur la méditation soient capables de mener des études complexes, ce qui suppose des recherches pluridisciplinaires et plus coûteuses. Il a aussi expliqué que le second défi de la méditation est de parvenir à faire augmenter la ligne de base du bonheur d’une personne de façon stable… Si lors d’une retraite on éprouve beaucoup de bonheur au cours de la méditation, il est probable que l’on aura à faire face, par la suite, à des problèmes qui viendront nous mettre des bâtons dans les roues… On peut changer en profondeur seulement si on travaille tout cela au cours d’un long processus intérieur.

 

La méditation laïque est une méditation qui fonctionne pour tous et qui a des validations scientifiques.

Je pense que la méditation laïque est un mouvement d’avenir.

Une personne athée ou agnostique, tout comme une personne déjà inscrite dans une tradition, peut nettoyer son mental avec ce type de méthodes, tout en continuant de poursuivre des pratiques religieuse pour ceux qui en ont.

 

Proposé par Monique Guillin

 

Pour aller plus loin : quelques livres de Jacques Vigne aux Editions du Relié :

  • Le maître et le thérapeute. Psychothérapie en Inde et en Occident, 2013
  • Guérir l’anxiété, avec un CD, 2014
  • Pratique de la méditation laïque. Une réponse à la quête de sens, 2017

Site : www.jacquesvigne.com

 

Disponible à la bibliothèque de l’UCY / VIGNE Jacques (Dr)

Ouvrir nos canaux d’énergie par la méditation

L'Inde intérieure

Marcher, méditer

Rédigé par UCY

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