Agir en soi et dans le monde

Publié le 4 Mai 2016

Sources n°33

Janvier – février - mars 2016

 

Entretien avec Swami Atmarupananda    Propos recueillis par Nadine Deswasière

 

Swami Atmarupananda est américain, il a rejoint la mission Ramakrishna en 1969. Très engagé dans le dialogue inter-spirituel, il a été un membre actif du Spiritual Paths Institute et a cofondé l'Alliance Spirituelle pour la Global Peace Initiative of Women (GPIWW). C'est à ce titre qu'il a été invité à prendre la parole lors de la COP21.

 

Il réside actuellement à *Belur Math, siège de la Mission Ramakrishna, où il prépare une version révisée des œuvres intégrales de Swami Vivekananda. 

  *Belur Math, ensemble d'institutions, temples, écoles (16 ha) sur la rive ouest de la Hooghly (Ganga), dans le Bengale occidentale (Inde), est un lieu de pèlerinage pour les différentes confessions religieuses, y compris les personnes non intéressées par la religion, mais soucieuses de venir y respirer la paix.

 

Swamiji, pourriez-vous nous dire comment un swami américain de la mission Ramakrishna, vivant en Inde, se retrouve invité à la COP21 en France ?

Depuis 2008 je suis associé aux réflexions du GPIW (Global Peace Initiative of Women) et je suis intervenu souvent et dans de nombreux pays sur la nécessité de construire une société et des institutions reposant sur des fondements spirituels. Les fondements tels qu'ils existent actuellement ne sont plus viables ; il est temps de repenser les systèmes économique et politique, la société de consommation telle qu'on la connaît ; l'idée que la nature n'est là qu'en tant que ressource exploitable à merci, la tendance à ne considérer les intérêts personnels, d'entreprises  ou nationaux, que du point de vue de la compétitivité...

 

Quelle contribution vous a-t-on demandé lors de ces rencontres ?

Je représentais le point de vue du Védanta hindou dans l'analyse des causes humaines du dérèglement climatique. Nous avons participé à des rencontres de prière, moi avec des prières et chants védiques, afin de soutenir les efforts de négociation gouvernementaux. Nous avons également prié sur le mémorial des attaques du 13 novembre, à Paris, avec les représentants des diverses religions du monde.

 

Chaque représentant à la COP21 venait avec son agenda... Avez-vous proposé des méditations afin d'élever le niveau de conscience et d'être moins attaché à ses propres intérêts ?

Nous avons justement proposé des méditations dans ce but, mais parmi les ONG présentes, nous n'avions aucun rôle dans l'organisation. Les prières et les méditations ont été proposées comme témoignages et offrandes. Lors de ces conférences, nous étions comme des veilleurs. Si les seules voix des leaders séculiers et laïques sont entendues, alors la communauté spirituelle engagée faillira à servir et orienter la communauté mondiale.

 

Dans ce contexte, que signifie prendre soin du climat intérieur, être veilleur ?

Toutes nos institutions, nos systèmes économiques, politiques, judiciaires, nos  cultures et nos actions quotidiennes viennent de notre compréhension de ce que nous sommes vraiment, de qui sont les autres, ce qu'est réellement le monde, de ce que sont nos relations avec ce monde, avec les autres, de ce qui est juste ou erroné... tout vient de notre intériorité, de notre cœur, et se manifeste dans le monde...

Les négociations gouvernementales, les points de vue d'experts sont nécessaires pour alimenter le dialogue, mais rien ne changera s'il n'y a pas une évolution de notre niveau de conscience. Un changement significatif se produira quand il y aura un nombre significatif de personnes qui seront plus sensibles spirituellement. Alors, les problèmes de l'influence de l'homme sur le dérèglement climatique seront résolus à un niveau plus profond qu'ils ne le sont actuellement.

 

Pensez-vous qu'il faille donner la priorité intérieure, grâce aux pratiques spirituelles, ou faut-il agir concrètement en essayant, dès aujourd’hui, de réduire notre empreinte carbone ? Qu'aurait dit Swami Vivekananda ?

En fait, nous devons agir simultanément. Nous ne pouvons pas attendre d'être spirituellement accompli pour agir dans le monde, et nous ne pouvons pas agir sans nous perfectionner spirituellement. C'est ce que Swami Vivekananda a proposé à travers la pratique du karma yoga : "travailler, agir, car la nature même de l'homme nous amène à agir à chaque instant, mais, afin d'éviter d'alourdir notre karma créé par l'action, il nous propose d'utiliser l'action elle-même pour grandir spirituellement, en agissant selon des buts et des perspectives plus nobles".

 

Chacun de nous peut-il devenir un veilleur ?

Oui, certainement, il est nécessaire de devenir veilleur, non au sens d’une personne qui va toujours vouloir avoir raison et corriger les autres, mais bien au nom d’une cohérence, d’une conscience, d’une vigilance sur notre action dans le monde, sur la manière dont elle affecte les autres et le monde.

Sans cette vigilance du veilleur, nous ne pouvons être pleinement humain, ni un être spirituel. Dans la Bible, Jésus dit à ses disciples, la nuit précédant sa Passion : « Veillez et priez ». Et c’est bien là l’essence même de la vie spirituelle.

 

Proposé par Monique Guillin

 

Rédigé par UCY

Publié dans #Spiritualité-philosophie

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