Peut-on éviter la souffrance grâce au savoir ?

Publié le 27 Février 2012

Qu’en dit Patanjali ?

Les carnets du yoga

N° 303 - Janvier 2012

 Article de Françoise Mazet 

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« La compréhension que j’ai de ce texte, je la dois à Vimala Thakar avec laquelle j’ai eu le privilège de travailler plusieurs années. Toutes les citations sont de Vimalaji. »

 

 YS.9. Svarasavahi vidushah api tatha rudho abhinivesha

 YS.9. « Porté par sa propre essence, l’attachement à la vie est enraciné, même chez l’érudit »

La réponse est claire, lapidaire, évidente. Comment le savoir, basé sur la mémoire, attaché à la dualité mentale, pourrait-il nous libérer de cette souffrance, qui prend ses racines précisément dans le passé ? Comment pourrait-il nous libérer de la souffrance intolérable, d’être mortel ? Si intolérable que nous vivons comme si nous étions immortels, en accumulant les possessions.

Le savoir fait partie de ce processus d’acquisition généré par ce désir que créent les gunas, les trois tendances fondamentales de Prakriti, qualité ou propriété de l’énergie.

Le savoir, c’est acquérir. La liberté, c’est lâcher.

Alors, comment éliminer les kleshas*, sources de la souffrance ?

YS.2.3 - Il y a cinq sortes de kleshas, champ émotionnel ou coloration du mental : 

1. avidya, l'oubli ou l'ignorance sur la vraie nature des choses  

2. asmita, le sens du ''je suis'', l’individualité ou égoïsme 

3. raja, l’attachement ou la dépendance aux impressions du mental ou aux objets 

4. dvesha, l’aversion pour des formes de pensées ou objets 

5. abhinivesha, l'amour de ces derniers comme si étant vivants eux-mêmes, aussi bien que la crainte de la perte de ceux-ci comme si étant éteints.

 

YS.10. Té prati prasava héyâh sûkshmâh.

YS.10. « Quand ces causes de douleur sont légères, elles doivent (ou peuvent) être éliminées en les prenant à contre-courant. »

Pratipasava, les tourments, à contre-courant, c’est le processus de retournement de la conscience vers une claire vision de la réalité. Mais comment faire pour retourner une souffrance comme un gant et la transformer en quelque chose de paisible ?

Considérons une contrariété, base de la souffrance. Elle est souvent d’autant plus forte qu’on n’arrive pas à voir ce qui est en cause exactement. On trouve des explications mais comme elles sont mentales, elles ne correspondent pas à la réalité.

Il faut un miroir qui nous permette de voir, au sens où l’entendait Krishnamurti : percevoir, comprendre instantanément, sans passer par le raisonnement.

Dans la relation maître/disciple, le maître joue ce rôle de miroir, dans les psychothérapies modernes, c’est le thérapeute.

Et quand on commence à avoir un certain entraînement à faire le vide mental afin de laisser monter ce qui est en cause, on peut faire seul ce travail afin de laisser monter ce qui est en cause, on peut faire seul ce travail d’éclaircissement.

Il faut seulement avoir la "volonté ferme" (tapah) de rester silencieux, immobile, à l’écoute, dans la pratique de "citta vritti nirodhah" (YS1) « Le yoga est la cessation de la fragmentation mentale ».

. Alors la véritable raison de la contrarier émerge des brumes de la confusion dans laquelle l’ego la dissimulait pour mieux nous maintenir dans la dépendance de son fonctionnement répétitif.

. Avec la vision nette de la réalité, cesse la contrariété, comme par enchantement ! Elle ne se transformera pas en souffrance. Ce faisant, on renverse le courant, on réoriente la perception vers ce qui est réel, on cesse d’être victime, on devient responsable !

 

YS.11. Dhyâna héyâh tad vrttayah.

YS.11. « Les perturbations engendrées par les kleshas doivent (ou peuvent) être éliminées par la méditation. »

Le contre-courant par rapport à l’attitude mentale habituelle, c’est bien l’état de méditation. Les kleshas peuvent être éliminés par la méditation parce que, dans cet état, les mécanismes de la pensée sont suspendus, et les souffrances engendrées par la pensée elle-même disparaissent. La souffrance est générée par la dualité, et l’état de non-dualité la supprime. Seul l’ego peut faire souffrir. Nous pratiquons pour avoir accès à la vie, au présent. Dans les trois sutras suivants, Patanjali nous parle du processus karmique.

 

YS.12. Klesha mùlah jarma àshaah drista- adrishta janma védaniyah.

YS.12. « L’accumulation du Karma qui a ses racines dans les kleshas est expérimentée au cours des naissances successives, que celles-ci soient visibles ou invisibles. »

Avec Ashayah karma, le dépôt latent des actions passées, on aborde la « loi du karma » ou l’accumulation karmique, si déterminante dans la vision indienne. Elle désigne les conséquences inéluctables des actes accomplis dans les existences, antérieures ou présentes. Nos actes nous suivent. Chaque acte produit un effet qui devient à son tour une cause. Et la qualité des effets dépend de celle des actes.

Patanjali nous dira plus loin que les actes des yogis n’engendrent pas de karma parce qu’ils sont en accord avec le réel : ils s’inscrivent dans le courant de la vie en la respectant. Dans le réservoir du karma, il y a des graines. En renaissant, elles deviennent des plantes. Les kleshas en sont les bourgeons. Les fleurs et les fruits sont le résultat de nos actes passés des expériences mises en mémoire qui déterminent nos réactions présentes. C’est le samsasa que nous pouvons subir comme un destin préétabli.

Nous pouvons aussi choisir de « renverser la vapeur » (pratiprasava) en devenant conscient de la réalité, et donc acteurs de nos vies.

 

  Présenté par Dominique Bart

 

 Pour aller plus loin : Livres en prêt à la bibliothèque de l’UCY sur les « yoga sutra » de Patanjali

B175 BOUANCHAUD Bernard : Miroir

B236 BOUCHART D'ORVAL Jean : Patanjali, la maturité de la joie

B 181 DESIKACHAR T.K.V. : Le yoga sutra de Patanjali

B 182 MAZET Françoise : Yoga Sutra de Patanjali

B 174 PAPIN Jean : La voie du Yoga 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par UCY

Publié dans #YOGA

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