Samtosha – le contentement

Publié le 19 Juin 2013

Revue VINIYOGA

N° 14 – juin 1987

Essai – Groupe de travail : C et JP Berlioz, J. Cauboden, N Gessler, M Gromei.

 

Le Paon se plaignant à Junon


Le Paon se plaignait à Junon :
Déesse, disait-il, ce n'est pas sans raison
Que je me plains, que je murmure :
Le chant dont vous m'avez fait don
Déplaît à toute la Nature ;
Au lieu qu'un Rossignol, chétive créature,
Forme des sons aussi doux qu'éclatants,
Est lui seul l'honneur du Printemps.
Junon répondit en colère :
Oiseau jaloux, et qui devrais te taire,
Est-ce à toi d'envier la voix du Rossignol,
Toi que l'on voit porter à l'entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent sortes de soies ;
Qui te panades, qui déploies
Une si riche queue, et qui semble à nos yeux
La Boutique d'un Lapidaire ?
Est-il quelque oiseau sous les Cieux
Plus que toi capable de plaire ?
Tout animal n'a pas toutes propriétés.
Nous vous avons donné diverses qualités :
Les uns ont la grandeur et la force en partage ;
Le Faucon est léger, l'Aigle plein de courage ;
Le Corbeau sert pour le présage,
La Corneille avertit des malheurs à venir ;
Tous sont contents de leur ramage.
Cesse donc de te plaindre, ou bien, pour te punir,
Je t'ôterai ton plumage.

                                                            Jean de la Fontaine, Les Fables II


*se panader : faire parade, se pavaner, marcher avec une gravité fière



Cette fable illustre ce qui peut guetter tout individu mécontent de son sort et toujours envieux de ce qu’il n’a pas et ne pourra certes jamais avoir.

Est-ce à dire que chacun devrait paisiblement se contenter de ce qu’il a, de son sort, de sa condition, sans jamais entrevoir la vie autrement, sans jamais vouloir changer ?

Probablement pas ! Si le contentement est un état de plaisir et de sérénité intérieure, il n’en est pas moins un état changeant et évolutif. S’il n’en était pas ainsi, que pourrait-il alors signifier sinon une très grande passivité ?

Pourrait-on alors appeler cet état « contentement » ?


Le contentement est un état qui vient du « dedans », il transparait et se communique. Il reste cependant une technique à la fois action et résultat de l’action. Comment dès lors pratiquer le contentement, quelle en est la technique ?

Pratiquer le contentement, c’est déjà, dans un premier temps, s’accepter tel que l’on est, avec ses défauts, ses qualités, sa condition. Cela représente déjà tout un programme de renoncements à des désirs impossibles, d’humilité et de confiance en la vie… Car s’accepter tel que l’on est ne veut pas dire ne plus rien faire, ne plus agir. Bien au contraire.                 

  • Ce serait plutôt être actif et efficace en partant de là où l’on se trouve, d’agir à son niveau dans le quotidien.
  • Dans l’action, ce serait s’exercer à être serein dans toutes les situations de la vie, qu’elles soient agréables ou désagréables. 
  • C’est donner une orientation positive et dynamique dans tout ce que l’on entreprend.  
  • C’est prendre conscience que nous ne sommes pas spectateurs résigné de notre vie mais au contraire acteurs.
  • C’est savoir reconnaitre ses potentialités, accepter celles d’autrui afin d’œuvrer pour l’harmonie des actions de chacun.

Est-il alors possible d’agir est d’être content ? Cela paraît bien difficile car la vie nous met toujours à un moment ou à un autre devant nos désirs, nos frustrations, notre souffrance et celle de nos semblables.  Comment pratiquer le contentement face à un dictateur, un terroriste, un criminel… ? Dès lors, comment faire pour cultiver des états intérieurs sereins de paix, de bonheur, malgré les circonstances extérieures ? (vie sociale, familiale, professionnelle).

C’est précisément cette vie extérieure qui va pouvoir nous servir  et nous être utile dans notre réflexion, notre analyse, notre compréhension et c’est ce sentiment de paix intérieure qui va nous aider à agir avec plus de justesse et d’efficacité.

 C’est par exemple prendre conscience et réfléchir sur ce qui est futile et temporaire pour se consacrer à l’essentiel (la recherche de la vérité). Par ce biais, nous allons vite nous rendre compte que notre vie, nos actions, notre comportement s’éloignent quelquefois énormément de cette voie… parce que, comme le paon, nous sommes saturés de désirs et que c’est bien là que se situe la cause de notre souffrance et de notre agitation mentale : désirs de possessions matérielles et intellectuelles, désirs de pouvoirs, de suprématie, d’argent…


Il faut s’exercer à ne pas encourager ses désirs, à ne pas amasser, à se contenter de peu en abandonnant, en renonçant à ce qui n’est pas nécessaire.  

Lorsque le mental sera calmé, nous saurons ce qu’est le véritable bonheur.

Le but de la pratique du contentement, c’est d’atteindre la paix, de sortir du domaine de l’agitation, de l’illusion et de la misère.

Cette joie qui vient alors de l’intérieur, est totalement indépendante des circonstances extérieures, que notre vie se situe dans ce siècle ou à toute autre époque.

Développer le contentement va demander un effort quelquefois très intense de la personne. Les conseils d’un guide, d’un professeur, de toute personne compétente, lui seront donc, sans aucun doute d’une grande utilité. Ils lui permettront, en effet, si l’action qui se fonde sur ces conseils est entreprise en toute confiance, d’éviter des conséquences fâcheuse comme ce qui est arrivé à la grenouille, laquelle au contraire du paon, ne disposait malheureusement pas de la sagesse de Junon comme soutien à sa réflexion…


La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le Bœuf

    Une grenouille vit un bœuf
    Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,
   Pour égaler l'animal en grosseur,
     Disant : « Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? Dites-moi ; n’y suis-je point encore ?
- Nenni. - M’y voici donc ? - Point du tout. - M’y voilà ?
- Vous n'en approchez point. » La chétive pécore
   S'enfla si bien qu'elle creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
   Tout petit prince a des ambassadeurs,
     Tout marquis veut avoir des pages.

Jean de La Fontaine (1621-1695), Fables (livre I, 3)

 

 

Proposé par Dominique Bart

 

 


 

 

Rédigé par UCY

Publié dans #Spiritualité-philosophie

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