Pratyahara - Le retrait des sens
Publié le 12 Février 2014
Esprit Yoga
N° 71 – mai – juin 2012
D’après un article de Gianni Da Re Lombardi
Pour progresser sur le chemin du yoga, il est important d’apprendre à détourner le mental des sensations externes.
Pratyahara, est le cinquième des huit membres de l’Asthanga yoga présenté par Patanjali dans le deuxième chapitre des Yoga Sutras. C’est peut-être aussi un des membres dont on parle le moins. Pourtant, il s’agit d’un thème extrêmement intéressant, car il représente le point de passage entre les pratiques physiques et mentales. Pratyahara signifie littéralement « retrait des sens » et c’est le dernier des « membres externes » ou bahir-anga.
Lorsque l’on maîtrise Pratyahara, on peut passer à l’étape suivante, où tout le travail se fait dans l’esprit et à l’intérieur de soi. Pour cette raison, les trois membres suivants sont appelés « membres internes » ou antar-anga, il s’agit de Dharana, Dhyana, et Samadhi.
Pour atteindre Pratyahara, il faut apprendre à rétracter l’esprit de toutes les activités sensorielles, une chose plus facile à dire qu’à réaliser. Car les sens sont des petites choses très agitées, à la recherche incessante de stimulations. C’est la raison pour laquelle, le soir, nous croyons nous détendre en zappant sans arrêt devant la télé, ou nous ressentons le besoin de feuilleter mécaniquement une revue sans rien lire. Peu préparés au retrait des sens, nous avons besoin de toujours faire quelque chose, même dans la poignée de secondes que l’on passe à attendre un ascenseur. Car être seul avec soi-même en parfaite quiétude est bien plus difficile.
VIDE - ESPRIT
Dans la société contemporaine, il y a une surdose de stimulations sensorielles qui génère une incapacité à distinguer satisfaction et besoin.
… Le yoga nous montre comment tenir nos propres sens sous contrôle, en apprenant à les « oublier » activement. On représente souvent Pratyahara comme la tortue qui retire sa tête et ses pattes à l’intérieur de la carapace, notre esprit apprend, avec le temps et la pratique, à réguler la vanne du flot sensoriel jusqu’à la fermer presque complètement. Comme toujours dans le yoga, mais de manière encore plus appréciable dans ce cas, faire l’expérience de la rétraction sensorielle est plus important que la décrire. Plus on progresse dans le chemin des expériences subtiles, plus il est difficile de les décrire.
Pratyahara est en réalité une expérience que chacun de nous a faite plusieurs fois dans la vie et elle peut même être assez commune, car elle se réalise de manière inconsciente. Par exemple, quand nous sommes profondément concentrés et immergés dans une activité (lecture, écriture, travail manuel), il peut arriver que nous nous abstrayions complètement des stimulations sensorielles de l’environnement. Nous nous sommes placés naturellement dans une situation de rétraction sensorielle.
REGARD ET SOUFFLE
Deux méthodes permettent d’accéder facilement à Pratyahara et de demeurer aussi longtemps que souhaité dans cet état : trataka et ajapa japa. Ce sont d’ailleurs deux techniques qui s’avéreront très utiles aussi pour les autres étapes indiquées par Patanjali.
TRATAKA (regard immobile)
Dessinez un point noir sur une feuille blanche, puis accrochez celle-ci sur un mur et placez-vous à environ 1,50m de distance. Le point doit se trouver à la hauteur du regard, ou légèrement en dessous.
Asseyez-vous en posture de méditation ou sur un tabouret en gardant le dos bien droit. Fixez le point de manière stable et directe, mais sans crispations inutiles. Ne fermez pas les yeux et laissez les larmes couler librement.
Si vous avez une myopie ou une presbytie, ôtez vos lunettes. Commencez par une période de deux minutes et augmentez d’une minute chaque jour, jusqu’à arriver à 10-15 mn. A la fin de chaque période de fixation, fermez les yeux et visualisez mentalement le point, pour une période équivalente à celle durant laquelle vous avez gardé les yeux ouverts.
Au début il est probable que vous soyez distrait par des pensées parasites. Ne vous en faites pas et revenez sans cesse au point avec le mental et avec le regard intérieur. Vous pouvez également effectuer cet exercice en fixant la flamme d’une bougie allumée.
Trataka fait partie des techniques de purification et de » nettoyage qui aident à améliorer la vue et à nettoyer l’œil, grâce à la stimulation de larmoiement. C’est une technique très efficace pour apprendre à se concentrer rapidement.
AJAPA JAPA (concentration sur le souffle)
On peut pratiquer cette technique à n’importe quel moment de la journée. Il suffit d’être bien assis et installé dans un environnement tranquille. Fermez les yeux et portez l’attention sur votre respiration.
Pendant l’inspiration, prononcez mentalement et écoutez le son imaginaire « So ». A l’expire, prononcez mentalement et écoutez le son imaginaire « Ham », qui doit être prolongé pour toute la durée de l’expiration. Vous pouvez pratiquer ajapa japa aussi longtemps que vous le souhaitez.
LA VOIE DE LA CROISSANCE
Quand les organes sensoriels sont sous contrôle grâce à la pratique de Pratyahara, vous découvrirez que la progression dans le chemin du yoga est plus aisée et que vous pouvez réaliser des pratiques plus élevées avec davantage de facilité. Souvent, les pratiquants se lancent dans des exercices trop complexes et sont découragés par les échecs ou parce qu’ils n’obtiennent pas de suite les bénéfices escomptés.
Avancer lentement et de manière progressive est bien plus intéressant et amène à des résultats permanents. Ils est d’ailleurs toujours souhaitables d’’essayer plusieurs pratiques et d’explorer plusieurs techniques. En règle générale, quand vous en rencontrez une qui vous paraît simple et satisfaisante, c’est celle-ci qui vous apporte les meilleurs résultats. Pratyahara est un moment de passage qui vous aide à progresser sur le chemin du yoga.
LES HUIT MEMBRES DU YOGA
Yamas :règles sociales
Niyamas :règles personnelles
Asanas :postures
Pranayama :contrôle du souffle
Pratyahara :retrait des sens
Dharana : concentration
Dhyana :méditation
Samadhi :parfait recueillement, attention absolue, union sans dualité.
Proposé par Dominique Bart