Médicaments, la pilule ne passe plus
Publié le 2 Juin 2010
Quelle santé
N° 49 - Mai 2010
Présenté par Denis Brossier
D’après l’article d’Amel Bouvyer et Hélène Binet
A l’été 2009 il y a l’annonce : 60 000 morts en France et 500 000 dans le monde, 94 millions de vaccins commandés et une campagne de prévention de près de 2,5 milliards d’euros.
Un an plus tard les faits : 263 morts en France, soit 10 fois moins que la grippe saisonnière, 5,5 millions de personnes vaccinées et entre 7 et 10 milliards engrangés par les laboratoires.
Un an après, la gestion de la grippe A soulève bon nombre d’interrogations : les décisions des experts de l’OMS sont-elles prises en toute indépendance ? Que dire du comité de lutte contre la grippe, qui conseille la Ministre, composé majoritairement de membres ayant des intérêts avec les laboratoires.
Pour tenter d’y voir clair le Conseil de l’Europe a récemment entamé une procédure d’investigation et en France une mission d’enquête du Sénat sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion de la grippe par le gouvernement a été mise en place.
Les sénateurs dans leur exposé des motifs appelant à la création d’une commission d’enquête expliquent : « Nous disposons d’un nombre d’indices suffisant pour avancer l’hypothèse que les organisations sanitaires internationales et les Etats, à l’exception de la Pologne, ont été les instruments d’une gigantesque manipulation qui a eu pour effet de transformer une épidémie de grippe banale en une pandémie de niveau 6 pour le plus grand profit des firmes pharmaceutiques. »
L’autorisation de mise sur le marché à tout prix : Stéphane Horel journaliste indépendant et documentaliste vient de publier un ouvrage important sur le sujet après une enquête de deux ans.
Pour commercialiser un médicament le chemin est long. Il faut d’abord faire une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) auprès de la commission du même nom qui siège à l’Agence Fançaise de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS). Le nouveau produit doit présenter un rapport entre bénéfice et risque au moins équivalent à celui des produits déjà commercialisés. L’avis rendu est favorable, demande des compléments d’information ou est défavorable. Aujourd’hui dans 90 à 95% des cas, les nouveaux produits obtiennent leur autorisation.
Concernant les essais cliniques, l’AFSSAPS édicte quelques règles mais en France 74% sont conçus et analysés par les laboratoires eux-mêmes : ils sélectionnent les patients pour les tests, comparent avec un médicament qui ne marche pas très bien, jouent sur les doses et ne publient que la partie des essais cliniques la plus favorable.
Quand les médicaments ne sont que des placebos :
La deuxième étape est le passage devant la haute autorité de santé (HAS) qui évalue l’intérêt du nouveau médicament. 96% des médicaments présentés n’apportent rien de plus que leurs homologues déjà en place sur le marché. Selon les statistiques de la revue médicale Prescrire, sur 3096 médicaments mis sur le marché entre 1981 et 2004 seuls sept constituaient un progrès thérapeutique vraiment majeur soit seulement 0,2%.
Secrets d’officines
C’est le Comité des produits de santé (CEPS) qui fixe le tarif en fonction des services rendus et celui-ci dépend beaucoup plus du genre de médicament que de son caractère innovant : on peut payer très cher un produit non innovant pour le sida et au contraire un sirop pour la toux révolutionnaire ne devra pas dépasser la dizaine d’euros. En outre, pour les médicaments classés 1 à 3 sur une échelle de 5 caractérisant leur niveau d’innovation (1 pour le plus innovant et 5 si effet égal à un produit déjà existant) les laboratoires gardent la liberté du prix. Ainsi certains laboratoires profitent de la période de monopole que leur donne le brevet pour multiplier par 4 ou 5 le prix du même médicament vendu dans des pays où les prix sont libres.
Des VRP formés au bourrage de crâne
Une fois passé ces étapes, la vie commerciale du médicament peut commencer. Et là les labos mettent le paquet car ils n’ont que 10 ans pour amortir leur trouvaille. Le secteur investit deux fois plus dans le marketing que dans la recherche. Il y a un recours en masse aux visiteurs médicaux : on estime que chaque médecin reçoit chaque année 333 visiteurs médicaux.
D’autres méthodes sont employées par exemple une campagne de sensibilisation sur les méfaits du tabac a été financée par Pfizer en même temps qu’il lançait un nouveau traitement pour le sevrage du tabac : le Champix.
D’autres ruses consistent à copier des médicaments chez les concurrents. Le nouveau médicament est appelé dans le jargon « me too » « moi aussi ». Par exemple, les statines, ces molécules anti-cholestérol qu’avalent quotidiennement 5 millions de français sont produites par 7 marques sous des noms différents. De même pour les antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotine.