Les Yoga-Sûtras de Patanjali
Publié le 28 Mai 2014
Les Carnets du Yoga
n° 326 - avril 2014
Françoise MAZET est responsable de la rubrique « Textuellement » qui paraît chaque trimestre dans la revue « les Carnets du yoga » ; elle y commente les Yoga-Sûtras de Patanjali.
Elle précise qu'elle doit la compréhension de ces textes à Vimala Thakar (1923/2009) avec qui elle a eu le privilège de travailler plusieurs années.
Ici, c'est l'état de Samtocha (le contentement) qui est abordé :
42. Samtochât an-uttamah sukha lâbbah
« Par la pratique du samtocha, on connaît le plus haut degré de bonheur »
Seul en effet, un mental purifié des traces énergétiques des mémoires cellulaires peut accéder à cette faculté qui nous permet, en toute circonstance, de voir le verre « demi-plein » au lieu de regretter qu'il soit « demi-vide ». Dans le processus de transformation auquel nous invite Patanjali, on peut dire que samtocha est en relation avec pratyâhâra : la capacité des sens à s'intéresser davantage à l'écoute intérieure qu'à désirer de façon compulsive les objets qui leur correspondent.
« Ceux dont la loi de développement est purement interne ne sont pas comme des bâtiments à qui on peut ajouter des pierres du dehors mais comme des arbres qui tirent de leur propre sève le nœud suivant de leur tige, l'étage supérieure de leur frondaison » écrit Marcel Proust (A la recherche du temps perdu, tome 2).
Samtocha, ce n'est pas obtenir ce que l'on désire, mais vivre totalement, se contenter de ce qui est, sans désirer que ce soit autrement.
« Désire ce que tu as et tu auras ce que tu désires. »
Epictète : « Ne veuille pas qu'il arrive ce que tu veux qu'il arrive, mais veuille qu'il arrive ce qui arrive et tu couleras des jours heureux. »
Krishnamurti : « Nous cherchons toujours à jeter un pont entre ce qui est et ce qui devrait être, et, par là, nous donnons naissance à un état de contradiction et de conflit où se perdent toutes nos énergies. »
Samtocha se vit naturellement à partir du moment où, grâce à la pratique de pratyâhâra, on a accès à son être, on n'est plus accaparé par l'extérieur, dans une relation dispersante. Alors, on vit réellement au présent.
43.44.45. Tapah, Svâdhyâya, Ishvara Pranidhâna.
Tapah : intensité de notre fermeté face aux résistances de l'ego, aux mécanismes de la pensée.
Svâdhyâya : action de se comprendre soi-même, dans l'observation, grâce à une perception purifiée.
Ishvara Pranidhana : être dans la conscience du divin en nous, en accord avec ce qui est.
46. Sthira sukham asanam.
« Etre fermement établi dans un espace heureux »
47. Pryatna shaïtilya ananta samapattibhyam.
« Grâce à la méditation sur l'infini et le renoncement à l'effort - force. »
Si le corps peut s'installer dans une posture à la fois stable et confortable, alors cette posture peut être appelée âsana. C'est le fondement du Kriya Yoga. C'est être en relation avec la terre, avec sthiti, l'inertie de la terre qui est une énergie très puissante, très positive.
Or, cette relation stable avec l'énergie de la terre ne nous est ni inhabituelle ni facile, parce que le corps et le mental ne peuvent être séparés et parce que le mental est toujours en mouvement.
Tant que le mental joue avec le passé, il y a des mouvements très subtils dans le corps. Il faut donc toute une éducation, toute une discipline pour que le corps puisse s'installer dans une immobilité confortable.
Tous les êtres sont différents.
Chacun doit faire sa propre expérience.
On ne peut appliquer le même système à tous.
C'est pourquoi, si nous transmettons le yoga, nous devons créer les conditions dans lesquelles chacun peut faire sa propre expérience et ainsi, devenir peu à peu conscient de sa pratique, de son corps, de son mental.
Le débutant expérimente une immobilité relative puis petit à petit, elle devient totale, en relation avec l'énergie de la terre.
On peut utiliser toute la variété des âsanas inventées au cours des siècles pour purifier l'organisme mais le fondement de âsana, son essence, c'est une relation harmonieuse avec l'inertie de la terre.
Asana est le fondement des sept autres angas.
C'est le début du processus, du fil conducteur. Et en même temps, l'usage de âsana n'a pas de fin. C'est une erreur d'abandonner âsana pour se consacrer uniquement à la méditation. Cet état de méditation se trouve dans l'approfondissement de âsana.
Présenté par Catherine Cuney
NOTA : les Yoga Sutras de Patanjali sont disponibles à la bibliothèque de l'UCY , plusieurs auteurs ont apportés leurs commentaires., vous y trouverez notamment celui de Françoise Mazet.