Les bases du prânâyâma selon l’école du mâtrâ-yoga
Publié le 19 Décembre 2012
« SANTE YOGA »
N° 131 - septembre 2012
D’après un article de Christian Tikhomiroff
Au cœur de notre vie, de chaque heure, du premier au dernier jour, la respiration est notre intime compagne. Ce va-et-vient ininterrompu entre dedans et dehors est aussi le rythme de notre vie. Le yoga en a fait une science qu’il nomme prânâyâma ou mâtrâ -yoga.
On traduit généralement prânâyâma par « maîtrise du souffle ». Prana est autant le souffle que l’énergie vitale. Ayama est la diffusion de l’énergie vitale, de la vie. Le mâtrâ-yoga que l’on traduit par « yoga du rythme », est l’autre appellation du prânâyâma, qu’elle complète et précise. Prânâyâma renvoie à un principe individuel du souffle alors que mâtrâ-yoga renvoie à un principe universel. La notion de rythme dans mâtrâ-yoga fait référence d’une part au souffle universel, le svara, et d’autre part, au rythme de l’énergie cosmique.
Ainsi prânâyâma consiste à dynamiser et faire circuler en soi l’énergie vitale, et à l’harmoniser avec le rythme de l’univers, véritable battement de cœur du cosmos. Chaque individu est un monde à part entière dans l’univers. L’harmonie, l’équilibre, de toutes les composantes universelles, dont l’être humain, passent par un rythme commun.
Le pranayama est la clé de voûte de la pratique de yoga :
Il n’est traditionnellement pas envisageable de faire des postures, des mudrâ, des concentrations, de la méditation, sans y inclure systématiquement un prânâyâma. C’est aussi un des membres de l'asthanga yoga qui se pratique indépendamment. Toutefois cette notion n’implique pas une chronologie, mais une synchronicité dans la pratique. Quand on fait une posture, on la fait en y incluant des pranayamas, des mudrâ, des mantras, des visualisations. Quand on fait un prânâyâma, on le fait dans une posture, avec des mudrâ, etc…
Cette pratique est bénéfique et accessible à tous, à condition de recevoir les bons enseignements et d’installer une pratique progressive et régulière. (Hormis les pathologies graves du cœur, et certaines hypertensions).
La science du souffle :
Chacun d’entre nous est susceptible d’être en équilibre ou en déséquilibre en lui-même selon son histoire personnelle, ses karmas, ses hérédités, et la manière de les gérer. La science du souffle est pour le yoga le moyen central permettant de diffuser et d’équilibrer les énergies intérieures. Le yoga, à l’instar de l’observation empirique, montre que la respiration, et l’énergie vitale et mentale qu’elle véhicule, sont en relation intime avec le corps, l’énergie et l’esprit. Le souffle se modifie en fonction des mouvements du corps, des émotions et de la pensée.
On peut dire, en prenant quelques raccourcis, que le prânâyâma, dans sa phase ultime, est l’art de ne plus respirer.
Selon les yogis, avant de commencer prânâyâma, chez une personne « normale », la respiration est faite de 80% d’air et de 20 % d’énergie. Après quelques années de pratique, la proportion s’inverse : 20 % d’air, 80 % d’énergie. Ceci a pour effet de diminuer progressivement le besoin d’air tant au niveau physiologique, énergétique que mental. Les conséquences de cette alchimie sont importantes.
Au niveau physiologique par exemple, les enseignements traditionnels du yoga indiquent que moins un animal respire – sauf s’il s’agit d’une pathologie – moins il s’use et vieillit. Les animaux vivant le plus longtemps sont ceux qui respirent le plus lentement, comme la tortue. L’homme en tant que mammifère est concerné tout autant que n’importe quel autre animal. Au niveau « scientifique » il est connu que l’oxygène oxyde les cellules.
Les enseignements traditionnels du yoga indiquent également que souffles et pensées sont liés, tant dans l’agitation que dans l’immobilité. Il est d’ailleurs facile de constater que lorsqu’on est concentré la respiration se ralentit, allant parfois jusqu’à s’immobiliser. Ne plus penser entraîne de ne plus respirer, et l’inverse.
La méthode :
Prânâyâma consiste à associer le processus respiratoire à l’énergie et à la pensée. C’est donc une pratique d’unité entre le corps, l’énergie et l’esprit. Pour cela inspiration et expiration vont être allongées et associées à des rétentions du souffle, les poumons pleins et (ou) vides selon les rythmes spécifiques. Chaque prânâyâma sera fait avec des bandha, des mudrâ, des drishti et des mantras afin de dynamiser l’énergie. Il sera également associé à des visualisations conduisant le souffle dans la structure énergétique, les nâdi, les cakra, les âdhâra ou les linga. Cette association a pour finalité d’unifier souffles et pensées. Ainsi va-t-on utiliser dans chaque prânâyâma un rythme, des mantra, des mudrâ, des visualisations.
Question de phase respiratoire et de rythme :
Il y a cinq phases respiratoires dans le prânâyâma : l’inspiration, l’expiration, la rétention les poumons pleins, la rétention les poumons vides, la suspension spontanée du souffle. Les deux dernières phases sont les plus importantes.
Il y a deux catégories de rythmes.
Dans les rapides, nous trouvons essentiellement les bastrikâ et les kapâlabhâthi. Les rythmes lents sont des allongements de l’inspiration et de l’expiration avec ou sans rétentions.
- Le plus classique de ces rythmes lents (visamavritti = inégal) : 1 temps d’inspiration, 2 temps d’expiration.Le temps en question n’est pas « comptabilisé » en secondes, mais en mâtrâ. Le mâtrâ est le temps qu’il faut pour faire le tour du genou avec le majeur et claquer des doigts, soit environ 1 seconde 1/2, 2 secondes. Si l’on met 4 temps pour inspirer, on va en mettre 8 pour expirer. Sur le même rythme on trouve l’installation des rétentions. Ces rétentions à poumons pleins ou vides devraient durer 4 fois le temps de l’inspiration. Ceci nous amène aux rythmes 1/4/2 ou 1/2/4 (1 étant toujours l’inspiration, 2 l’expiration, et 4 la rétention (plein ou vide).
- Il y a également les rythmes égalisés (samavritti) : soit inspiration et expiration, soit inspiration, rétention à plein, expiration, rétention à vide se font sur la même durée.
Les mantras sont utilisés dans le prânâyâma pour établir le rythme et stimuler l’énergie, ils se juxtaposent ou remplacent le compte des mâtrâ. Il en existe une importante variété, tant dans le nombre que dans les combinaisons possibles. Citons pour illustration les plus courants :
« Om » - « Ham-sa » - « So-ham » - « Hrim » - « Krim » - « Ram » - « Ksham ».
Les visualisations du souffle dans le corps énergétique servent à mettre en unité souffles, énergies, pensées. Elles se font principalement dans les cakra et les nâdi. Elles sont un moyen pertinent de pénétrer au cœur de notre monde intérieur, d’augmenter la capacité de concentration et de fusionner souffles et pensées.
Les trois niveaux de respiration :
La respiration complète s’étale physiologiquement sur 3 niveaux : le 1er est abdominal, le 2ème thoracique, le 3ème claviculaire. Elle suit un sens ascendant dans l’inspiration et descendant dans l’expiration. Une respiration chez quelqu'un en bonne santé se fait essentiellement au niveau abdominal alors qu’une personne malade ou près de la mort respire au niveau claviculaire. Pour s’en rendre compte il suffit d’observer un bébé respirer et un mourant allongés.
Les tensions de la vie quotidienne, le stress, la maladie bloquent la respiration abdominale, ce qui a pour conséquence d’endommager et de réduire la production d’énergie du ventre, notre centrale énergétique intérieure. Trop de personnes ont une respiration thoracique ce qui les expose aux angoisses, au stress, à l’irritabilité, aux déficits immunitaires, en somme à la maladie, car la respiration ne joue plus, au niveau physiologique et au niveau énergétique, son rôle d’écran protecteur, c’est même l’inverse. C’est pour cela que la respiration abdominale est si importante dans le prânâyâma et que dans certains souffles elle est même exclusive.
Pranayama est une des plus belles et plus efficaces techniques que propose le yoga :
Il agit sur la globalité humaine assurant une meilleure santé, un maintien durable de la jeunesse et une longévité accrue.
Il augmente de façon conséquente le niveau énergétique, il apaise les émotions, permet de prendre du recul.
Il conduit vers une vraie connaissance de soi, des fonctionnements et des interactions existant entre le corps, le souffle, l’énergie et la pensée.
Tous ces avantages sont précieux pour la vie de tous les jours et pour la pratique du yoga. En définitive, c’est un moyen sûr et fiable pour écarter les multiples obstacles qui entravent banalement le bonheur quotidien et la quête spirituelle.
Présenté par Catherine Cuney