LE HAIKU ou « poème bref » : un complément à la méditation
Publié le 18 Octobre 2010
« LES CARNETS DU YOGA »
n° 289 / septembre 2010
Présenté par Catherine Cuney
Interview : 5 questions à Pascale SENK
Au cours de cet entretien, Pascale Senk, ex rédactrice en chef de « Psychologies magazine » et auteur de « L’art du haïku – Pour une philosophie de l’instant » paru chez Belfond ou au Livre de poche) raconte sa découverte du haïku et ce que sa pratique ou sa lecture peut nous procurer, comme par exemple, faire l’expérience du dépouillement et du détachement.
Le haïku : un art de vivre
Né en Chine au 12 è siècle, le haïku est devenu au fil du temps le versant littéraire et politique de la philosophie zen telle qu’on la pratique au Japon. C’est une tentative, via l’écriture, d’approcher le vide, d’explorer et de restituer la réalité en un minimum de mots dans un cadre très précis : 3 vers de 5, 7 et 5 syllabes, l’obligation d’évoquer la nature ou des saisons.
Pascale Senk montre que lire ces courts poèmes, puis se lancer à en écrire, permet de faire grandir en soi une disposition d’esprit qui peut réellement nous transformer.
Un exemple pour les praticiens du yoga : exprimer ce qu’est le lâcher-prise n’est pas chose aisée. Hosaï, poète du 19è siècle, y parvient ainsi :
Ce cœur qui réclame ceci ou cela
Dans la mer
Je relâche
Un autre exemple pour illustrer l’expérience du dépouillement par le poète Issa :
Ne possédant rien
Le cœur en paix
Fraîcheur
Pourquoi lire des haïkus fait tellement de bien :
les auteurs savent exprimer l’authentique en 3 ou 4 mots : une paire de sandales, une rivière, une cabane en bois, et ce sont toutes les sensations d’été qui submergent le lecteur ! Ils ne cessent de nous rappeler que l’homme n’est qu’un élément de la nature, et cette posture est apaisante, car elle nous invite à trouver notre place dans l’ensemble du vivant, sans « trop » d’importance » ni de « pas assez ». Comme Hosaï l’écrit, n’être qu’un parmi les autres permet aussi de ne pas se sentir seul :
Un insecte marchant sur le tatami
Sur mon chemin
J’évite
La modernité du haïku
Au cours de son enquête, Pascale Senk a découvert l’extrême modernité du haïku : des émissions de TV lui sont consacrées au Japon, échanges et forums sur internet, animation d’ateliers dans les collèges et les écoles… (une manière de susciter la concentration et l’ouverture, deux vertus essentielles pour écrire des haïku).
Pour se lancer dans l’écriture de haïku
Cela naît d’un état d’esprit. Pascale Senk conseille d’abord d’en lire beaucoup – et c’est un régal pour ceux qui aiment se poser, suspendre le « ressassement mental » -, cela permet de s’imprégner de cette philosophie. Puis peu à peu, si le désir émerge d’en écrire, avoir sur soi un petit carnet et noter les scènes de rue qui nous marquent, un détail dans une situation qui nous a amusé, une couleur qui a attiré notre regard lors d’une promenade.
Surtout ne pas se mettre à sa table de travail et se dire : « Je vais écrire maintenant un haïku. » Il doit s’écrire à l’improviste, de lui-même. Il s’agit de capter certains moments de l’existence, qui n’ont pas forcément à voir avec des circonstances exceptionnelles, mais naissent d’un agencement de forces incontrôlables et donc toujours gracieuses. En ce sens, le haïku rend toujours compte d’une grâce.