La noblesse du yoga réside dans le fait qu'il n'a rien à montrer

Publié le 17 Décembre 2014

 Le Journal du yoga

n° 153 - Septembre 2014

 

par C. Chadelat

 Interview d’Isabelle Morin Larbey, Présidente de la FNEY (Fédération Nationale des Enseignants de Yoga) 

 JdY : « Que pensez-vous de la démocratisation du yoga ?

 Est-il vraiment fait pour tout le monde ? »

  IML : « Le yoga est l'une des multiples propositions qui existent dans le monde. Aller vers le yoga, c'est avoir le goût de la découverte.

 Pour le professeur, il s'agit de s'adapter à celui ou celle que l'on a en face de soi. On ne propose pas la même pratique à une personne de vingt ans et à une autre de quatre-vingts. Les mettre dans la même salle est possible, mais à condition d'avoir du métier, que la salle ne soit pas surchargée et de bien connaître ses élèves. Le mélange de personnes est fécond, et participe aux fondamentaux du yoga : c'est-à-dire que des personnes différentes participent indépendamment de leur étiquette sociale et intellectuelle. C'est pourquoi, le marketing des vêtements de yoga me dérange car cela signifie une possibilité de sélection par l'argent. Le yoga propose à des personnes d'être ensemble en se fichant éperdument de ce qu'elles portent sur le dos.


 JdY : « Que pensez-vous des selfies, ces images que l'on prend de soi en posture de yoga, 

 parfois spectaculaires, et que l'on expose sur internet ? »


  IML : « Le yoga vous entraîne vers une conscience de vous-même où vous vous sentez de l'intérieur. Donc si la première impulsion revient à dire « regardez-moi », c'est un contre-sens. Connaître son corps et en sentir les limites portes vers une démarche psychique et spirituelle.

 Toute la noblesse du yoga réside dans le fait qu'il n'a rien à montrer.

 

JdY : « Comment traduisez-vous yama et nyama,

 ces observances yogiques à l'égard de soi et du monde extérieur ? »


  IML : « Yama comprend cinq observations morales.

La 1ère, ahimsa que je traduis par « ne pas nuire », ni à soi, ni à l'autre, ni en pensée, ni en parole. Ahimsa se pratique dans le yoga par ne pas pousser le corps à des extrêmes : ce concept est mû par une réflexion, une conscience.

La 2ème, satya, la vérité, ne signifie pas de dire la vérité à tout crin, peut-être que je ne pourrai jamais l'exprimer si cela risque de détruire l'autre, d'où l'importance du discernement.

Puis asteya, ne pas voler, et par exemple, citer ses sources.

Ensuite, brahmachrya que je traduis comme fidélité à un engagement. Evaluer la justesse d'un engagement demande du temps. C'est le contraire du zapping, où l'on demande du neuf sans arrêt, comme l'apparition de ces nouveaux yogas censés nourrir une demande sans fin.

Etre adulte, c'est renoncer.

aparigrahaLe dernier est aparigraha : ne pas prendre plus que ce je dont j'ai besoin, et donc se questionner pour connaître la réalité de notre envie, car il ne s'agit pas non plus de tomber dans un ascétisme triste, mais simplement de faire ses choix avec conscience.


 Le second membre du yoga est niyama,

 qui comprend sauca, signifiant être propre sur soi. Etre bien habillé est une façon d'honorer la création, qui est belle.

Ensuite, samtocha, le contentement, consiste vraiment à se réjouir de ce qui est.

Tapas est l'ardeur à faire, qui veut dire aussi, cuire, transformer, passer d'un état à un autre état.

Svadhyaya, signifiant que je sais qui je suis et que je me nourris des textes. Le yogi n'est pas décervelé, il étudie, il essaie de comprendre, c'est une démarche.

-       Et enfin, isvarapranidhana signifie déposer ses actions aux pieds du seigneur, théoriquement. C'est-à-dire ne pas agir à des fins égoïstes, mais redonner à la vie, comme le souffle traverse. »

 

JdY : « Comment ces pratiques s'intègrent-elles à la vie ? »


  IML : «Ce sont les propositions de départ qui viennent se tisser avec la pratique des postures, les asanas. Les niyama et yama travaillent en écho : ne pas nuire, c'est-à-dire ne pas forcer, l'aisance, la fermeté, le discernement. Le souffle m'indique où j'en suis, suis-je juste ? Ne suis-je pas en train de forcer ? Ces préalables amènent au samadhi, qui est offert, on ne le prend pas. Et, si on le vit, c'est sans le retenir, sans attachement.

Dans le yoga, il n'y a rien à vouloir, simplement à expérimenter.

Une envie, un corps, un souffle suffisent. Quelle merveille !

 

Présenté par Catherine Cuney

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par UCY

Publié dans #YOGA

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