Distinguer l'urgent de l'important - la slow attitude

Publié le 22 Mai 2012

Santé Yoga 

N° 127 - avril 2012

Présenté par Monique guillin

 

Face à la course folle qui semble nous être imposée actuellement, le mouvement pour ralentir est né. Il s'oppose à la logique de l'immédiat et de court terme de nos sociétés occidentales et vise le développement d'un modèle où la qualité primerait sur la quantité. Le dernier rempart avant la barbarie ?

                                                                  Par Laurence Pinsard avec Céline Chadelat

 

 Le temps en lui même ne peut pas accélérer. Pourtant, nous avons l'impression que le rythme de notre vie est devenu celui d'un sprint permanent. Nous dormons moins, travaillons frénétiquement, mangeons vite, communiquons plus vite et nous consommons beaucoup.

 Cette accélération naît avec la révolution industrielle, à la fin du XVIIIème siècle. Les machines accélèrent la cadence, laquelle semble s'être complètement emballée depuis ces deux dernières décennies. Les nouvelles technologies – internet et la téléphonie mobile – nous rendent disponibles tout le temps et en tout lieu et nous forcent à nous inscrire dans l'immédiateté et à devenir multi-tâches...

 Notre quotidien semble s'accélérer chaque jour davantage jusqu'à atteindre un point limite. Comme si nous avions psychologiquement intégré la notion de vitesse, de gain de temps et d'efficacité maximale qui se renforce de jour en jour. Comme si nous brûlions d'accumuler autant d'expériences et de biens que possible.

 

Pour le philosophe allemand Harmut Rosa, l'accélération est devenue le nouveau visage de notre aliénation sociale et la clé du désastre actuel... Selon lui, la vitesse sonne comme une promesse d'éternité laïque.Puisque nulle vie ne nous est promise après la mort, il nous incombe de démultiplier les expériences ici et maintenant. Au risque de passer à côté de la vie ?

 

Même le yoga est parfois frappé d'accélération. Que ce soit par les nouvelles formes qu'il développe, plus athlétiques, plus compétitives ou dans la manière que nous avons de pratiquer. Nous allons à un cours à l'heure du déjeuner, avant de nous replonger dans un travail intensif...

Or la pratique du yoga ne se fait pas seulement sur un tapis, elle s'applique à la vie de tous les jours et imprègne notre façon d'être. Intégré et vécu au quotidien, le yoga se présente comme un antidote puissant face au rouleau compresseur de l'accélération. Il se range du côté du « slow », ce mouvement sociétal global qui déferle lentement et sûrement sur une société à la limite de l'agonie. Le temps est venu de distinguer l'urgent de l'important. Reste à savoir comment...

 

A la recherche du temps perdu

 De plus en plus de personnes s'insurgent contre cette accélération, et souhaitent échapper à la dictature du prochain e-mail et à la menace constante du burn-out. La mécanisation, l'hyper-spécialisation, la « chronométrisation » de la vie... provoquent, en réaction, une aspiration à « la vraie vie, celle ou la qualité prime sur la quantité » souligne Edgard Morin. « Toutes les choses qui nous relient et donnent du prix à la vie – la communauté, la famille, l'amitié – se nourrissent de ce dont nous manquons perpétuellement : le temps » ajoute Carl Honoré. Un temps qu'il nous faut donc retrouver.

 Une première étape pour aller vers cette qualité serait sans doute de se réinscrire dans la conception temporelle circulaire de nos ancêtres, le temps de la nature, celui des saisons, aux antipodes de l'accélération linéaire de la croissance moderne.

 Compte tenu de la situation actuelle du monde occidental, redécouvrir un rapport attentif, patient, fertile au temps et retrouver un axe de résonance avec le monde ne suppose rien de moins qu'une révolution de nos modes de vie...

 « Je marche moins, mais je regarde mieux, je ne gambade pas avec mes jambes, mais avec le regard. » écrit Pierre Sansot dans « Du bon usage de la lenteur » où il se penche avec nostalgie sur une époque où l'on prenait le temps de vivre, de flâner, de lire, de déguster du vin. Il donne quelques conseils concernant une politique de la ville, un certain emploi de la culture, un certain usage des sens. Un véritable art de vivre.

 

Ralentir, c'est décroître

 Le lien avec le mouvement pour la décroissance semble évident. « Le capitalisme moderne génère une richesse extraordinaire, mais au prix d'une consommation effrénée des ressources naturelles, menée à un rythme que Mère Nature ne peut plus soutenir » rappelle Carl Honoré.

 Actuellement, nous consommons 1,2 planètes par an. Si nous continuons sans rien faire et en supposant une croissance de 2 % par an, nous consommerons 30 planètes en 2050 ! « C'est donc vers une sobriété, une réduction du gaspillage d'énergie, et vers une production diversifiée mais renouvelable qu'il nous faut nous tourner » affirme Nicolas Ridoux, auteur de « La décroissance pour tous », faisant écho à l'appel à la décroissance et à la sobriété heureuse de Pierre Rabhi.


 Sans l'avoir prévu, le mouvement Slow Food a donné naissance à un véritable mouvement de société qui privilégie le long terme sur le court terme et la qualité sur le rendement. La lenteur, comme métaphore, est devenue une idéologie, un acte politique et sociologique.

 Après l'alimentation et l'agriculture, sont nées les Cittaslow, les « villes lentes » qui font la promotion d'une gestion municipale centrée sur la qualité de vie, l'économie de proximité, le respect des paysages..., en réaction aux zones commerciales et industrielles, à l'étalement pavillonnaire et au tout voiture devenus l'ordinaire d'un urbanisme débridé.

 Le slow touche bien d'autres domaines : le voyage, l'éducation, le travail et même le sexe. Un mouvement slow très proche de celui pour la simplicité volontaire (voir Santé Yoga n° 87). Les adeptes de la lenteur, comme ceux de la simplicité volontaire, envisagent de construire un monde moins consumériste, de vivre en harmonie avec des valeurs éthiques, écologiques et spirituelles, de quitter la spirale infernale des « toujours plus » et " toujours plus vite " pour retrouver une authentique qualité de vie.

 

Eloge de l’indolence

En orient, plus qu’en occident l’indolence est élevé au rang d’un art. Du moins l’était car tout bascule, tout change. 

. Et la découpe du temps en instants courts et intimes inventé par l’occident l’a maintenant gagné lui aussi. Le temps a cessé de s’écouler en un flux continu.

. L’indolent, quand à lui, ignore l’impatience et l’avidité. Il dispose d’un immense réservoir de temps dans lequel il peut puiser à une source sans fond.

. Perdre une heure, une journée, une semaine n’a pas d’importance…

. Bien entendu, pour modifier son rythme de vie et se « déformater », il faut y trouver une réelle motivation.

. « La révélation » peut venir de notre corps fatigué, avec parfois, des maladies qui apparaissent comme autant de signes révélant que l’organisme est déjà trop affaibli, ou d’un puissant ras-le-bol de l’aliénation sociale et mentale qu’entraîne la vitesse, ou encore des bienfaits et des plaisirs de la lenteur retrouvée lors d’un voyage ou de vacances… indique la journaliste pascale d’Erm dans son livre « Vivre plus lentement ».

 

  Bibliographie :

-     Du bon usage de la lenteur, de Pierre Sansot, éd. Payot & Rivages

-        Eloge de la lenteur, de Carl Honoré, éd. Marabout

-        Vivre plus lentement, un nouvel art de vivre de Pascale d'Erm éd. Ulmer

-        La décroissance pour tous, de Nicolas Ridoux, éd. Paragon

-        Aliénation et accélération, de Harmut Rosa, éd. La Découverte

-        Vers la sobriété heureuse, de Pierre Rabhi, éd. Actes Sud

link

lien vers l'émission france 2 du 19 avril 2011 comment ça va bien : "j'ai testé la slow attitude"

 

 

 


Rédigé par UCY

Publié dans #Environnement-écologie

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