Kâma, "le désir" un des quatre purushtarta

Publié le 28 Août 2009


LES CARNETS DU YOGA

N° 275 -  Mars 2009

 

 Louis Moline.

 Kâma se place au troisième rang des mobiles de l'action humaine. Le premier est Dharma, le devoir et le deuxième Artha, la richesse. Ils dépendent les uns des autres, il faut que le premier soit satisfait pour que les autres soient nourris.

 

 Qu'est-ce que le désir ?

- « le désir n'est pas. Le désir veut, que veut-il ? Il veut sa fin, sa disparition dans un éclair de jouissance » Henri Lefèvre "La vie quotidienne dans le monde moderne".

- « Le désir est la passion qui nous porte à nous vouloir approcher du bien que nous jugeons nous être convenable » Dictionnaire de Furetière.

- « le désir, prise de conscience d'une volonté d'action dirigée dans un sens défini vers une fin connue ou imaginée » le Grand Robert.

 Ces répliques ramènent à l'ambivalence indienne désir-plaisir. Le Kâma indien fait référence aux souvenirs conscients ou inconscients fixés dans la mémoire. Le rêve devient le champ privilégié de l'épanouissement de tous les fantasmes dont la sexualité est presque toujours l'enjeu. Kâma englobe non exclusivement mais nécessairement, la satisfaction des besoins sexuels de l'individu. En Hindi la langue moderne indienne, le mot kâma définit le plaisir physique sensuel, sexuel et amoureux. Il est parfois utilisé dans le sens péjoratif de luxure. Dans un autre contexte, il peut prendre la signification de travail ou de service, sens lié à la caste des shudra (les serviteurs).

 

 Kâma, dieu du désir  

Kâma et Eros (dieu grec) sont issus d'une même source indo-européenne. Tous les deux assument un rôle important, ils personnifient le désir, ils sont chargés de faire cesser l'immobilité du chaos ce qui entraîne la création du monde. La physique moderne utilise à peu près le même langage lorsqu'elle développe la notion de vide quantique créateur. Ainsi sans le désir, sans l'existence d'une « tension vers un objet potentiel non encore réalisé » la création ne pouvait se concevoir.

 Les indiens ont posé la question « pourquoi Dieu, l'Absolu, fait-il cela ? » Ils ont eux-mêmes apporté la seule réponse plausible : « parce que cela dépend de son vouloir arbitraire », soit en un mot de son bon plaisir, "lila".

« On ne voit jamais ici-bas une action accomplie par un homme qui n'en ait pas le désir : en effet, quoi qu'il fasse, c'est le désir qui en est le motif » (Manu II 3-4)

 

 Eros est issu du chaos, du vide existant avant la création, dans l'indianité, ces fonctions sont individualisées par des entités séparées nommées Brahmâ qui crée le monde et Prajapati, le seigneur qui crée la parole et par voie de conséquence le temps.

Les hommes ont cherché à rendre le désir plus proche de leur image, pour se sentir moins responsables, puisque possédé par le dieu, l'homme est dédouané de toutes les actions qu'il pourrait commettre, les bonnes comme les mauvaises.

Ils ont la même représentation, un petit dieu très beau, le plus beau de tous les dieux. Il vole dans les airs armé d'un arc et de flèches. Kâma a un arc dont la corde est faite d'abeilles. Ils avaient remarqué que pour former l'amorce d'un essaim, les abeilles se disposent en chaîne s'accrochant les unes aux autres par les pattes pour se laisser ensuite pendre à une branche. Comment imaginer une corde plus vibrante, plus agressive et plus légère à la fois. Le bois de son arc est fait d'une canne à sucre, son carquois contient cinq flèches dont la pointe est ornée d'une fleur. Un perroquet lui sert de monture. Son serviteur Vasanta, (le printemps) dit "le parfumé", choisit parmi les cinq flèches celle qui lui paraît la plus appropriée à la victime du moment.

 

La légende de Kâma nous dit que Shiva, dieu des yogis auxquels leurs exercices confèrent des pouvoirs psychiques étranges et merveilleux appelés sidhi, prit trop de pouvoir. Les dieux envoient alors Kâma, le désir, il met en joue Shiva et le touche d'une de ses flèches pour distraire de sa méditation, le redoutable ascète, celui-ci tombe amoureux de Parvati.

Les dieux ont gagné, Kâma se répand alors dans le monde. Il est dit qu'il « intoxique l'amour », qu'il « agite l'esprit », qu'il est « conquérant invincible », qu'il est « maître du monde ».

Kâma est le fils de Dharma, gardien de l'ordre cosmique, sa mère est Shraddhâ, déesse de la foi et de la confiance. Son épouse est Rati, le plaisir, la déesse de l'amour, fille de Daksha, dieu conservateur des rituels. On l'a représente montée sur un pigeon. Le couple Kâma-Rati donne naissance à Thrishnâ, la soif, le désir ardent qui brûle lors des passions.

Le testament de Bouddha exprime le désarroi de l'homme en proie à l'illusion du  désir : « l'homme s'attache à des ombres, Il s'engoue de ses rêves, Il plante en leur milieu un Moi illusoire. Il établit à l'entour un monde imaginaire ». 

Tous les plaisirs, quels qu'ils soient, sont l'objet d'une jouissance éphémère dont il faut tôt ou tard se séparer et qui, par privation, engendre de la souffrance. Les solutions concrètes que Le Bouddha apporte sont proches des propositions du yoga de Patanjali, différent est l'hindouisme, qui consiste à réintégrer, la fraction d'âme que porte en lui chaque individu dans l'âme universelle, le Brahman.

 

proposé  par Dominique Bart

Rédigé par Denis Brossier

Publié dans #YOGA

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