Qu'est-ce qui me fait souffrir ?
Publié le 4 Septembre 2024
- Journal du yoga
N° 253 – novembre décembre 2023
Question posée à Eric Baret
Ce qui nous fait souffrir c'est la défense !
Dans les arts martiaux, ce que nous apprenons au bout de quelques années, c'est que ce ne sont pas les coups qui font mal, c'est la résistance.
Quand nous absorbons un choc, il ne fait pas mal psychologiquement. Quand nous avons une résistance, nous nous tendons et le coup fait mal.
Dans la vie ce n'est pas l'événement qui nous fait mal psychologiquement c'est notre défense face à la situation.
A huit ans, Jacques Lusseyran est devenu aveugle, il s'est défendu un mois. Au bout d'un mois il a arrêté de vouloir voir et a découvert une possibilité de vivre avec son handicap heureusement. Ce n'est pas d'être aveugle qui rend malheureux c'est la défense. Ce qui ne veut pas dire que les aveugles ont une vie facile. Personne ne dit que tout le monde peut le faire ou doit le faire mais c'est une possibilité. Cela montre la voie vers la recherche spirituelle.
Vous ne pourrez jamais changer l'environnement et vous vous sentirez toujours agressé. Mais je peux me rendre compte que ce qui m'agresse c'est essentiellement mon propre imaginaire.
Si un crocodile me mord la jambe, que la jambe ait une réaction de douleur est tout à fait normal. Mais si je me fais traiter d'imbécile, cela m'affecte si je me prends pour un imbécile. Si vous me dîtes que tous les hommes sont des salauds, si je ne me prends pas pour un homme, j'écoute la chose, je suis d'accord ou non selon mes propres préjugés, mais il n'y a pas d'agression.
Si quelqu'un me crache dessus, je me sens sale. Peut-être que je vais baisser la tête pour éviter d'avoir à utiliser un kleenex, ce qui n'est pas bon pour l'environnement général, ou éviter d'avoir à laver ma chemise. Mais si je n'arrive pas à éviter votre crachat ce n'est pas une agression, c'est seulement ce que c'est. L'agression c'est l'idée que je peux avoir que c'est inadmissible que vous me crachiez dessus.
Cet imaginaire nous coupe de ce que nous appelons « soi-même ». Si je me prends pour quelque chose, une femme, un français, un riche,… à chaque jugement extérieur je vais me sentir agressé. Si je me rends compte que des gens proches de moi me trouvent riche, d'autres me trouvent pauvre, moi, je ne me situe pas dans cette catégorie.
Si des gens plus intelligents me trouvent stupide, ils ont raison de leur point de vue. Je suis toujours d'accord avec ce que me dit quelqu'un. De son point de vue il n'a pas le choix. Le besoin d'être reconnu, compris, respecté, qui crée l'agression, est un fantasme de l’ego.
Si je comprends profondément que la vie c'est de respecter les autres, je respecte même ceux qui ne me respectent pas, je vis alors le respect.
Si j'aime les gens qui ne m'aiment pas, je vis l'amour. Si je demande à mon voisin de m'écouter totalement selon mon fantasme, ce ne sera jamais assez car je ne m'écoute pas moi-même, pourquoi m'écouterait-il ? C'est moi qui écoute l'autre et qui vit l'écoute.
Personne ne peut vous comprendre, vos parents, vos enfants, votre femme... Celui qui veut être compris se sentira toujours incompris, ce ne sera jamais suffisant. Quand vous comprenez cela vous vivez la compréhension.
Quand vous demandez quelque chose à quelqu'un psychologiquement, vous vivez à contretemps. Il ne faut jamais rien demander. La seule manière d'être malheureux c'est de demander, surtout à soi-même. C'est le pire, je vais m'engager à ne plus faire ça, et demain je vais le faire. Donc je dois me libérer de toute confiance envers les autres et envers moi-même.
Ne rien demander à soi-même et ne rien demander aux autres. La vie décide de ce qui se passe.
L'acceptation sans condition, qui n'empêche pas l'action mais la réaction, est la seule possibilité fonctionnelle de faire face à la vie.
Ce n'est pas quelque chose que je veux faire, mais qui s'impose tôt ou tard après avoir parcouru tous les imaginaires de revendications et autre demandes.
Proposé par Catherine Cuney et Annie Bianchi
A lire de Jacques Lusseyran :
« Et la lumière fut » disponible à la bibliothèque de l’UCY
et « le Monde commence aujourd'hui »
SITE : Éric BARRET www.bhairava.info