« Peut-on encore débattre ? »

Publié le 9 Novembre 2022

 Journal du yoga

 232 – novembre 2021

 

D’après la rubrique « société » par Julien Lorenz

 

La question est posée. Nous confondons souvent liberté d'expression et d'opinion. Il y a un mot qui revient, et empêche de débattre : « clivant », ce qui justement divise profondément l'opinion. Tout le contraire de l'union !

Un homme politique, la réforme des retraites paraît-il, la vaccination aussi...tout est clivant aujourd'hui. On ne peut plus parler des sujets de société. Les médias ne nous aident pas et donnent un triste exemple de la démocratie.

La « disputatio »

A l'antiquité, cet exercice consistait à faire plaider deux personnes sur un sujet de façon contradictoire. L'un plaide le pour, l'autre le contre et, au terme de l'échange, le maître annonce la résolution. Socrate déjà s'y livrait. Cela vous rappelle peut-être le plan de la thèse, antithèse, synthèse, moins usité aujourd'hui semble-t-il, trop occupés que nous sommes à défendre nos thèses, sans réellement prendre le temps d'écouter d'autres voix.

 

Les joutes verbales

En philosophie, au pied d'un arbre, auprès d'un maître, ou chez les moines indiens ou tibétains, les joutes verbales font encore partie intégrante de l'enseignement. Il y a fort longtemps déjà, le bouddhisme de l’Himalaya, les rois du Tibet, les universités indiennes comme Nalanda utilisaient cette pratique. Celui qui questionne est debout et termine sa phrase d'une grande claque de ses eux mains tendus vers l'interrogé qui, lui, est assis. Ce dernier doit alors répondre le plus rapidement possible en faisant à son tour, un claquement de mains en direction de la personne debout et en lui posant si possible, une autre question. Krishnamacharya excellait, paraît-il, dans ces débats de sagesse.

 

Les médias

Le leitmotiv : personnaliser les flux d'information. Censés nous connaître, aidés par des algorithmes, ils modèlent les médias sociaux, l'internet… et certains programmes d’information de chaînes de télévisions. Dorénavant, on ne voit plus que ce que l'on veut lire. Nous buvons comme du vin des paroles, conçues non pas pour nous informer, mais avant tout pour nous satisfaire et renforcer notre vision du monde.

Dans le même temps, les médias polarisent les positions : on est pour ou contre, avec 5 mn pour justifier sa position, avant la prochaine pub. En miroir, les repas de famille évitent les sujets d'actualité, par trop clivants, pour des jugements tranchés à qui aura raison.

Pourtant, plaider le pour et le contre s’apparente à un jeu, drôle et utile. Il faut trouver des arguments, convaincre son public. Cela amène bien sûr à considérer toutes les dimensions d'un sujet, et bien sûr à restituer les arguments de telle sorte qu'ils fassent mouche. Cela oblige à écouter. C’est cette permaculture de l'écoute et du respect, sans éprouver de hâte à mettre quelqu'un dans une case, qu'il nous faut cultiver.

 

 

Proposé par Catherine Cuney et Annie Bianchi

Rédigé par UCY

Publié dans #Spiritualité-philosophie

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C
Vrai sur les réseaux sociaux où la culture du compromis est rare mais aussi ce réflexe sans doute né de la compétitivité entre les individus de contredire par défaut son interlocuteur.
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