Les trois yogas de la Hatha-Pradîpîka

Publié le 21 Avril 2021

Les Carnets du Yoga

N° 394 - février 2021

   Jean Michel Creismeas

Ce brillant ouvrage de synthèse, du XV° siècle décrit des types de yoga issus de différentes traditions antérieures. Un éclairage sur le contenu composite de pratiques anciennes et d'innovations.

La Hatha-Pradîpîka (HP) a été compilée par Svâtmârâma vers le milieu du XV° siècle à partir de textes de yoga plus anciens. Elle est l'aboutissement d'une synthèse progressive d'éléments issus de traditions distinctes. Plusieurs traités antérieurs à la HP font état de quatre types du yoga : le mantra-yoga, le laya-yoga, le hatha -yoga et le râja-yoga. Alors que le premier, le mantra-yoga, qui consiste en la répétition continuelle d'une formule choisie, n'apparaît pas dans la HP, les trois autres yoga y ont été en grande partie intégrés. Au risque d'une simplification abusive, on peut dire que le hatha-yoga de la HP est la synthèse d'un hatha-yoga ancien, plus restreint, du laya-yoga et du râja-yoga. De façon générale, les pratiques décrites dans le quatrième chapitre de la HP appartiennent à ces deux derniers types de yoga tandis que les techniques décrites dans les trois premiers chapitres relèvent du hatha-yoga ancien.

Les postures, les divers exercices de contrôle du souffle (kumbhaka) et les « divines techniques » (les mudrâ) : toutes ces pratiques du hatha doivent être mises en œuvre pour atteindre le fruit qu'est le râja-yoga. (HP 1.67)

La base du hatha-yoga ancien est constituée par les mudrâ (« sceaux ») dont les premières descriptions remontent au XI° siècle...

Les techniques décrites dans les premier et deuxième chapitres, respectivement les postures et les contrôles du souffle, présentent davantage d'innovations. En effet, la HP est le premier texte à décrire un nombre significatif de postures (huit) autres que des assises. Bien que certains textes anciens affirment qu'il existe un grand nombre de postures, ils n'en décrivent que très peu et principalement des assises. La multiplication des descriptions de postures, révélatrice de la place croissante de la pratique posturale, est un élément important de l'évolution du hatha-yoga, bien avant la période moderne.

Quatre-vingt-quatre postures ont été enseignées par Shiva. Parmi celles-ci, les quatre plus importantes sont : l'adepte (siddha), le lotus (padma), le lion (simha)) et le bénéfique (bhadra). (…) (HP 1.33-34)

D'autres nouveautés figurent dans le deuxième chapitre de la HP : des contrôles du souffle inconnus auparavant, notamment quatre des huit khumbhaka, ainsi que sept méthodes de nettoyage de l'organisme préconisées dans certains cas avant le prânâyâma (HP 2.21-38). Alors que la série des huit kumbhaka ne connaît pas d'évolution ultérieure significative, les méthodes de nettoyage tendent à se diversifier. Ainsi la Gheranda-Samhitâ (XVIII° siècle) en décrit vingt, présentées comme des variantes de celles de la HP.

A l'origine, le laya-yoga visait la dissolution (laya) de l'activité de l'esprit au moyen de techniques très simples : méditer continuellement sur le vide, se concentrer en différents points du corps (bout du nez, espace entre les sourcils, etc.) ou s'allonger sur le sol « comme un cadavre ». cette dernière pratique est l'origine de la « posture du cadavre » que la HP est la première à inclure dans la série des âsanas. Le laya-yoga insiste sur la relation étroite entre le souffle et l'esprit, idée longuement déclinée dans le quatrième chapitre de la HP.

L'esprit et le souffle sont mêlés comme le lait et l'eau. Leurs activités sont égales : là où il y a le souffle, il y a activité de l'esprit ; là où il y a l'esprit, il y a activité du souffle. (HP 4.24)

Quant au râja-yoga, « yoga royal », il se réduisait au départ à la seule méditation. Les trois mudrâ décrites au quatrième chapitre de la HP, shâmbhavî, târaka et khecarî, lui sont associées. Mais le râja-yoga est aussi l'état suprême de yoga, celui auquel doivent conduire toutes les formes de yoga. La HP affirme avec insistance que non seulement le hatha y mène, mais que c'est à la fois son but et le seul moyen d'y parvenir.

Sans le hatha, le râja-yoga ne se réalise pas. Sans le râja-yoga, le hatha ne se réalise pas. C'est pourquoi il faut pratiquer les deux jusqu'à l'accomplissement ultime. (HP 2.76)

 

                                                                                  Proposé par Monique Guillin

 

Rédigé par UCY

Publié dans #YOGA

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