La Bhagavad-Gîtâ et le mot « yoga »
Publié le 21 Octobre 2020
Les Carnets du Yoga
N° 386 - avril 2020
La Bhagavad-Gîtâ (Troisième volet) par Alexandre Astier
Découvrons que le mot « yoga » très souvent employé dans la Gîtâ,
présente plusieurs sens assez différents les uns des autres.
Les différents commentateurs de la Bhagavad-Gîtâ ont cherché à mettre en lumière une certaine organisation du texte afin de mieux en comprendre les doctrines morales.
L'analyse la plus célèbre consiste à identifier trois grandes formes de yoga : - yoga de l'acte, - yoga de la connaissance, - yoga de la dévotion. Cela pourrait laisser penser que le texte présente ces trois voies de manière organisée, alors que ce n'est pas vraiment le cas. D'autre part, il faut noter que le mot « yoga », qui est très souvent employé dans la Gîta, présente plusieurs sens assez différents les uns des autres.
On peut déterminer quatre grands domaines de sens pour le mot « yoga » dans la Gîtâ :
Premier sens : Tout d'abord, « yoga » a assez souvent le sens général d' « effort », d' « union », de « méthode », de « contrôle ou de « discipline ». Il s'agit souvent d'un effort moral, du contrôle de soi et de ses facultés des sens ou du mental. Par exemple Krishna parle du « yoga de la pensée » (buddhiyoga) au sens de contrôle de la pensée. - Michel Hulin traduit par « yoga de l'intelligence », - alors qu’Émile Senart traduit par « force d'esprit » - et Olivier Lacombe par « discipline du jugement »...
Dans un deuxième sens : Le mot « yoga » peut désigner « l'action divine » ou le pouvoir divin de Krishna.
Dans un troisième sens : Le mot « yoga » peut avoir la signification de « voie spirituelle » ou de « pratique spirituelle », c'est à dire de méthode pour obtenir la libération. Le texte utilise ainsi les expressions de jnânayoga, « méthode de la connaissance intuitive, de karmayoga, « yoga de l'action » ou « voie de l'acte », et de bhaktiyoga, « yoga de la dévotion ».
Enfin, quatrième sens : Le mot « yoga » peut désigner une technique engageant le corps, la respiration et la concentration du mental dans un sens assez proche de la technique du yoga que l'on rencontre dans la "Shvetâshvatara Upanishad" ou dans les "yoga-Sûtra".
Ces trois formes de voie spirituelle évoquées (yoga de l'acte, de la connaissance et de la dévotion) ont souvent servi de fil rouge aux commentateurs qui ont eu tendance à systématiser ces différentes pratiques.
Au XI°, un commentaire de la Gîta divise le texte en trois parties égales : Les chapitres 1 à 6 présenteraient le yoga de l'acte ; De 7 à 12, le yoga de la connaissance ; De 13 à 18, le yoga de la dévotion. Cette division connaît un énorme succès et a été largement reprise par la suite.
Cependant, il faut bien voir que ce découpage est assez arbitraire et que cette forme de systématisation reste plutôt étrangère au texte. En effet, la gîta est faite de morceaux divers juxtaposés qui se suivent selon un enchaînement fort arbitraire, le contenu de chaque chapitre ne présente pas vraiment d'unité. Les mêmes thèmes reviennent à plusieurs reprises, et sont parfois même traités de manière assez différente.
Dans le passé plusieurs savants occidentaux ont jugé de manière plutôt négative ce manque de rigueur intellectuelle et de rationalité dans la présentation de la Gîta. Il nous semble, au contraire, que l'on peut y voir une richesse plus proche des fluctuations de la vie, dans ses infinies nuances, ses tâtonnements et même ses flottements et ses imprécisions.
Et d'autre part, s'agissant de spiritualité et de volonté de se rapprocher de l'absolu,
la méthode intuitive semblerait plus appropriée qu'une construction rationnelle.
Proposé par Monique Guillin
Pour aller plus loin :
voir rubrique bibliothèque sur ce blog.
- de nombreux numéros de la revue « Les carnets du Yoga » sont disponibles à la bibliothèque de l’UCY, ainsi que certains commentaires de la Bhagavad Gita : Aurobindo, swami Chinmayananda...