Les bains de forêts à la japonaise

Publié le 19 Février 2020

Sources

 N° 47  janvier  2020

 

D'après un article de Nathalie Calmé

 

«Selon les deux religions officielles du Japon, le shintoïsme et le bouddhisme, la forêt est le royaume du divin», explique le Docteur Qing Li dans son livre « Shinrin Yoku, L’art et la science du bain de forêt ». Pour les bouddhistes zen, les textes sacrés sont écrits dans le paysage (…). Dans le shintoïsme, les esprits ne sont pas séparés de la nature mais en font totalement partie. Ils sont dans les arbres, les rochers, la brise, les ruisseaux, les cascades. »

 

C’est sans doute pour cette raison que les Japonais ont fait des « bains de forêt » un art, et même une médecine préventive. Shinrin Yoku est la forme japonaise de ce qu’on appelle en Occident la sylvothérapie (du latin silva, « forêt »). En 1982, le Japon a mis en place un programme sanitaire national autour de cette pratique, expérimentée dans la forêt d’Akasawa, sur l’ancienne route du Nakasendo, connue sous le nom de chemin des samouraïs. Celle-ci accueille chaque année plus de cent mille personnes, qui viennent prendre « un bain forestier », sur les conseils de leurs médecins.

Shinrin Yoku a largement dépassé les frontières du pays du Soleil levant. Partout dans le monde, des médecins recommandent à leurs patients de passer du temps dans la nature plutôt que de consommer des médicaments pour soigner des affections ou des addictions. La Nouvelle-Zélande possède un programme similaire, ainsi que les Etats-Unis, à l’initiative du National ParkRx qui encourage les citoyens à profiter des forêts, parcs et sentiers pour améliorer leur santé. Aujourd’hui, plus de 150 programmes prescrivent l’utilisation des parcs dans les Etats, de l’Alabama jusqu’au Wisconsin. En 2015, au Royaume-Uni, des organisations écologistes ont demandé que 1 % du budget de la santé soit consacré « à l’amélioration des conditions d’accès aux espaces verts et au littoral, pour que toute la nation soit en bonne santé ».

 

Comment vivre un bain de forêt ?

Les pratiquants du Shinrin Yoku conseillent de partir sans téléphone et sans appareil photo, et cela pour mieux se relier à la nature par l’intermédiaire de nos sens. Une fois que nous avons trouvé un endroit qui nous convient, nous marchons sans aucun but, ralentissons la cadence, oublions le temps ; on se concentre sur l’instant présent, en savourant les sons, les odeurs et les images… 

« Vos cinq sens sont la clé pour libérer le pouvoir de la forêt, nous rappelle le docteur Qing Li.

Ecoutez les oiseaux qui chantent et le bruissement de la brise dans les feuilles (…)

Regardez les nuances de vert des arbres et les rayons de soleil qui passent à travers les branches.

Sentez le parfum de la forêt et respirez (…)

Goûtez la fraîcheur de l’air en inspirant profondément.

Placez vos mains sur le tronc d’un arbre.

Trempez les doigts ou les orteils dans un ruisseau.

Allongez-vous à même le sol.

Abreuvez-vous du goût de la forêt et libérez votre sentiment de joie et de calme. (…)

L’un des éléments les plus puissants du Shinrin Yoku est le parfum libéré par les arbres, leurs phytoncides. Les substances aromathérapeutiques naturelles respirées dans la forêt sont responsables du renforcement du système immunitaire. (…) Lorsque vous marchez dans la forêt, vous respirez son pouvoir de guérison. »

 

Kara Molinari, spécialiste en architecture d’intérieure holistique, pratique le yoga, la méditation… et les bains de forêt. Dans l’un de ses articles, elle souligne :

« De nombreuses études ont montré que notre fréquence cardiaque, notre pression artérielle (…) se synchronisent avec le rythme de ce que nous écoutons. Source de détente, de vitalité, de tonus, d’équilibre, les chants des oiseux, à l’instar d’une musique douce, permet de relier les différents plans : physique, énergétique, émotionnel, mental, spirituel, et de les harmoniser. » Le romancier et journaliste espagnol Francesc Miralles affirme avoir « retrouvé un sommeil de qualité depuis qu’il pratique le Shinrin Yoku et diminué son niveau de stress et la quantité de pensées négatives ».

Le pouvoir des arbres nous aiderait également à avoir les idées plus claires, à être plus créatifs. Dans son livre, le docteur Qing Li relate d’histoire d’Anna, une jeune femme écrivain qui souffrait du syndrome de la page blanche, ce qui lui procurait de grandes angoisses, et qui a résolu son problème par les bains de nature : « Je sens presque mon cerveau se démêler (…) c’est comme si la réponse que je cherche se trouvait au milieu des arbres. »

Est-il si surprenant que le Bouddha ait connu l’illumination assis sous un arbre ?

Marcher dans une forêt ou dans un parc nous rappelle que nous faisons partie de quelque chose de plus grand que nous-même. « Face à l’immensité impressionnante de l’univers, nous dit le docteur Qing Li, nous pouvons nous sentir envahis par la gratitude. (…) La forêt est comme notre mère, un lieu sacré, un cadeau du divin à notre intention, nous les humains. C’est le paradis de la guérison. Dame Nature nous émerveille, aiguise notre curiosité et nous invite à la visiter. Elle œuvre en harmonie avec nous et notre capacité innée à guérir. Dans la forêt, (…) nous entamons un périple vers la santé et le bonheur.

 

Shinrin Yoku pour les enfants

Les bains de forêt seraient également une réponse salutaire pour les enfants, qui ont souvent moins accès à la nature que leurs parents ou grands-parents à leur âge. Dans son livre Last Child in the Woods, le romancier et journaliste américain Richard Louv a forgé l’expression « trouble déficitaire de la nature » pour nommer le fossé qui existe entre les enfants et la nature. Un constat que fait aussi, bien sûr, le docteur Qing Li : « Des preuves de plus en plus nombreuses montrent qu’être au contact de la nature dès la jeunesse crée un sentiment de connexion au monde naturel qui perdure à l’âge adulte. Les enfants qui s’amusent dans la nature deviendront des adultes qui en prennent soin, la protègent (…). si nous laissons nos enfants jouer dehors aujourd’hui, ils deviendront les architectes verts, les urbanistes et les cartographes des arbres soucieux de l’environnement, les jardiniers, les thérapeutes par la nature et les sylvothérapeutes du futur.

 

Proposé par Catherine Cuney et Martine Oehl

 

Pour aller plus loin :

Dr Ging Li, Shinrin Yoku. L’art et la science du bain de forêt. First Editions, 2019

Amos Clifford, Le guide des bains de forêts, Guy Trédaniel Editeur, 2018

Richard Louv, Last Child in the Woods. Saving our Children from Nature-Deficit Disorder, Atlantic Books, Main, 2010.

 

Rédigé par UCY

Publié dans #Environnement-écologie

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