Quelle médecine ? Le vœu d'un médecin
Publié le 3 Avril 2019
revue Sources
n°44 Janvier/Février/Mars 2019
Le Docteur Xavier Feintrenie a exercé la médecine comme pneumologue, d'abord à l'hôpital avec une forte orientation cancérologique, puis en tant que médecin libéral en cabinet. Il a contribué à jeter des ponts et à ouvrir des dialogues entre la médecine occidentale classique, d'une part, et les médecines dites complémentaires, d'autre part. Il s'est fortement investi dans la réflexion et la recherche sur l'accompagnement des sujets en fin de vie (accompagnement psychologique et spirituel).
Le vœu d'un médecin
Dans son principe, la Médecine est une. Depuis des millénaires, elle est cette activité humaine tournée vers l'autre pour en prendre soin. Néanmoins, aucune médecine à ce jour ne peut prétendre à une exhaustivité du soigner et du guérir. Dans cette constatation, à la fois simple et évidente, devrait résulter, pour tout praticien de la Médecine, une réelle modestie et un ardent désir de collaborer. Car l'être humain – et c'est sa noblesse – est d'une étonnante complexité. Il est à la fois organique, énergétique, psychique, mental et spirituel. Il est aussi un mystère, et à ce titre un lieu privilégié d'émerveillement.
La Médecine a pris diverses formes au cour des siècles et on peut schématiser un peu ce à quoi nous sommes parvenus : à la médecine occidentale est dévolu l'organique et à tous les psychothérapeutes la prise en charge de l'âme, au sens de la psyché. Le champ de l'énergétique est préférentiellement appréhendé par les homéopathes, les acupuncteurs, les ostéopathes, les magnétiseurs. Et hélas, les thérapeutes du mental (le maître à penser, le philosophe, le Montaigne d'aujourd'hui qui guiderait vers une tête bien faite plutôt que bien pleine) et ceux du spirituel (en Occident le père spirituel, en Orient, le maître ou guru) sont devenus rares.
Le champ de la Médecine est immense, et pour qu'il devienne ou redevienne un chant, on peut formuler au moins quatre types de nécessités ou d'exigences, valables pour chacun des modes d'exercice médical :
- Que tout praticien aille aussi loin que possible sur son propre terrain. Cela demande travail, observation, étude, curiosité, rigueur. Il faut être passionné par sa discipline.
- Qu'il travaille sur lui-même, c'est-à-dire se remettre en cause, doute, sache qu'il sait peu, et néanmoins poursuive son travail de défrichage et assume sa soif de connaissance. La médecine chinoise, pourtant multimillénaire, continue de s'écrire aujourd'hui. La médecine occidentale, quant à elle, continue de s'affiner dans bien des domaines et de montrer sa créativité.
- Qu'il incarne dans sa pratique quotidienne que, fondamentalement, la relation d'humain à humain est thérapeutique. - Pas de médecine sans parole librement exprimée par le sujet et sans une écoute vraie, attentive, patiente. - Pas de médecine sans empathie, sans cette bienveillance profonde qui fera qu'aucune personne ne pourra sortir désespérée d'une telle rencontre.
- Et qu'enfin il sache, que l'être humain en face de lui est porteur d'une dimension d'intériorité et de profondeur. Il ne sera pas toujours possible d'évoquer par les mots cette dimension spirituelle, mais toujours possible de regarder l'autre dans l'Ouvert et de le reconnaître dans son mystère. Qui sait alors ce que cette qualité de regard peut semer, susciter, faire grandir ?...
FAISONS UN VŒU !
"que les couloirs s’ouvrent, que les cloisonnements s’effondrent, qu’un tissage s’invente et se structure pour faire de ces médecines, toutes superbes en elles-mêmes, une somptueuse étoffe.
Illusion ? Naïveté ? Non, car beaucoup de thérapeutes ne veulent plus exercer dans l’isolement. Des ponts se créent, des synergies voient le jour, des collaborations existent.
Toutes ces rencontres, tous ces échanges constituent un grand espoir pour la Médecine qui, reposant nécessairement sur une base technique, doit s’exercer comme un art, et demeurer pour chaque praticien la réponse à un appel."
Proposé par Monique Guillin
Pour aller plus loin : Revue Disponible à la Bibliothèque de l'UCY.
On retrouve ces réflexions dans le livre que le Dr Xavier Feintrenie a consacré à la fin de la vie de sa mère : "L'accompagnement d'une mère - Témoignage et questionnement". Edition Jouvence.