Vivre d’éternité et d’eau fraiche
Publié le 21 Juin 2018
Le journal du yoga
n°161 - mai 2015
Prolonger à l’infini la durée de l’existence, toucher l’éternité appartient aux mythes fondateurs de nombre de civilisations. Un rêve auquel notre société n’échappe pas. Les traditions spirituelles orientales, du tao au yoga en passant par le bouddhisme, affirment également que l’Homme à intérêt à vivre longtemps il accroît alors ses chances de percer les mystères de l’existence et d’accomplir le but ultime de sa vie.
D’après un article de Céline Chadelat et Karine Claeren
A chacune de nos respirations, nous perdons un peu d’énergie et accélérons le mouvement du corps vers la mort.
Pour appréhender les mécanismes du vieillissement, les yogis ont procédé comme pour établir les postures : ils ont choisi la nature comme terrain d’observation. Celle-ci révèle que les êtres vivants dont la vie est la plus longue sont ceux qui détiennent la respiration la plus lente.
La déperdition d’énergie est naturelle et s’amorce autour de l’âge de 25 ans, avec le phénomène de dégénérescence cellulaire. Auparavant, l’homme est en phase dite d’anabolisme : son tissu cellulaire se construit et se renouvelle par la transformation des éléments simples issus de la digestion, en sucres, graisses et protéines.
Le mental, un corps à part entière
Parmi les origines du vieillissement, il se trouve que la vie psychique et mentale retentit sur le physique. D’après la tradition du yoga, le mental constitue lui aussi un corps à part entière, « le corps mental » : maîtrisé et mis au service de la réalisation de notre plus haut potentiel, il constitue un outil extraordinaire.
La tradition des 18 siddhas, ravivée par le grand maître de l’Inde Babaji Nagaraj, a permis à des yogis, en particulier dans la région du Tamil Nadu, d’atteindre des sommets de réalisation spirituelle, en repoussant les limites de leur corps physique et de leur conscience à l’infini.
Au travers de ce processus vers la longévité, les pensées jouent un rôle décisif. En effet, lorsqu’elles s’associent aux émotions, elles entament fortement le stock d’énergie disponible : « poser des commentaires sur ce que l’on voit, analyser, critiquer, cela aussi mange notre capital de vie et provoque une déperdition d’énergie… Sans parler des pensées obsessionnelles », explique Sita Leite, représentante de la tradition du Kriya Yoga en France. Le yoga, en particulier la voie du Kriya Yoga, propose des moyens de réduire ces pertes d’énergie causées par le mental, notamment en travaillant sur le souffle grâce à certaines techniques respiratoires.
Le souffle constitue la source d’énergie principale pour ralentir le processus de vieillissement du corps. Ces techniques très élaborées de méditation le purifient et développent son pouvoir créateur afin de vivre de façon consciente et harmonieuse. Ancré dans la pureté de l’instant, chaque mouvement du corps et de l’esprit, jaillissant du présent, devient pure vie. Des changements de perspectives qui modifient le rapport au temps et à la vie.
Le secret de l’éternelle jeunesse
L’éternelle jeunesse se cacherait dans une enzyme clé : la télomérase. Activée par la méditation, cette enzyme permettrait la prolongation de la vie. Une étude réalisée pendant trois ans auprès d’un groupe de méditants dans les montagnes du Colorado a démontré les effets de la méditation associée à une vie saine sur l’augmentation de l’espérance de vie. La pratique régulière de la méditation provoque des changements de l’humeur. Celle-ci est directement liée à cette enzyme. Le Dr Elisabeth Blackburn, l’un des auteurs de l’étude, a été récompensé par le prix Nobel de médecine en 2009 pour la découverte de la télomérase, qui protège l’ADN du vieillissement.
Organes et émotions d’après le tao
La voie du tao offre des indications très précises sur le fonctionnement du corps humain. Le rôle joué par les émotions sur les organes y est fondamental. « Vouloir ne pas vieillir, nourrir en soi des sentiments positifs favorise le renouvellement cellulaire et entraine un bon fonctionnement des organes. Pour les taoïstes, par exemple, la joie, l’amour entretiennent le cœur ; la sérénité, la rate-pancréas ; la bonté, le foie. Inversement, les sentiments dits " négatifs", peur, colère, tristesse, entraînent des effets délétères », explique le Dr N’Guyen Truong dans son ouvrage « le Tao du rajeunissement ».
Plus actuel, le Dr Jean Pierre willem a fait appel à l’ethnomédecine et aux plantes médicinales. Il considère que bien vieillir c’est conserver son « état de vitalité », si possible sans médicaments qui ne sont que des "béquilles", souligne-t-il. Tout l’enjeu est d’éviter d’entrer dans une « situation de fragilité générale. » un état dépressif, un mal-être, une fatigue persistante, des infections récurrentes, des troubles de la mémoire poussent le corps à puiser dangereusement dans les réserves neurobiologique. Voir son ouvrage, « je veux être un jeune centenaire ! » Ed. du Dauphin.
Vie et mort au cœur des cellules
Que le processus de dégénérescence soit inscrit au cœur de nos cellules, la médecine commence à l’admettre. Pourtant, cette connaissance fonde l’enseignement de Sri Aurobindo, qui nous invite à déjouer la mort.
Pour un grand nombre d’entre nous, vie et mort sont opposées. L’idée que la mort de nos cellules puisse être programmée par l’organisme lui-même, plutôt que résulter d’agressions extérieures, n’est apparu que très récemment dans les domaines médical et scientifique, modifiant nos conceptions sur l’apparition de la vie, des maladies et du vieillissement.
La période de vie d’une cellule est de trois ans. De sa capacité à se détruire et à se renouveler dépend le fonctionnement du corps. C’est l’objet du travail de recherche du biologiste et spécialiste en immunologie Jean Claude Ameisen. Le corps s’apparente à une nébuleuse : un peuple hétérogène de milliards de cellules, dont les interactions engendrent corps et esprit. Ces cellules ont le pouvoir de s’autodétruire en quelques heures. Et leur survie dépend, jour après jour, de leur capacité à percevoir les signaux qui empêchent leur suicide. Cette fragilité même, et l’interdépendance qu’elle fait naître, est source d’une formidable puissance, permettant à notre corps de se reconstruire en permanence, de s’autoguérir. Comme celle d’un sculpteur au cœur du vivant.
Le corps divin de Sri Aurobindo
Si aujourd’hui cette vision vient bouleverser certaines conceptions, elle fait écho à l’enseignement spirituel du révolutionnaire indien et très grand yogi Sri Aurobindo. Il y a plus de soixante ans, en 1949, celui-ci révélait la puissance des pouvoirs contenus dans les cellules du corps. Dans un de ses derniers textes, il évoquait la nécessité de la transformation du corps et de la matière. Son but : intégrer l’énergie à la matière par le biais de la mémoire cellulaire.
Pour lui, le travail spirituel de l’être humain consiste à déceler au plus profond du corps, c’est-à-dire au niveau des cellules, « les mémoires » qui l’empêchent d’évoluer. Il s’agit de s’informer en conscience de notre manière de fonctionner. Ensuite, de discerner et d’accepter ce que nous avons perçu : quelle émotion ce schéma de fonctionnement provoque ? Quelle traduction sur le plan corporel ? La démarche exclut l’auto-jugement, mais favorise une prise de conscience « énergétique ». Enfin, il devint possible de transformer ces comportements – autant d’obstacles à l’expression essentielle de l’être – en accomplissant le divin scellé au plus profond. Pour le yoga de Madras, la partie dévotionnelle de la sadhana, la conscience du pouvoir du mental, la purification de la nature animale, la transformation du psychisme permettent d’accéder à la consécration de l’être. Le corps devient alors véritablement le temple de l’esprit.
La personne est réunifiée dans toutes ses dimensions – corps, âme et esprit – et reliée au divin. Cette dynamique signe une vie nouvelle, où, au lieu d’une dégénérescence progressive, la personne connait un processus de croissance. Elle recouvre la santé, et sa vie prend une dimension évolutive. La clé de la transformation se cache dans le corps ; en se soumettant à cette exigence de transformation, la naissance d’un « individu » comme disait Jung, un être non divisé, un être libre, debout, se fait jour.
Proposé par Dominique Bart
Pour aller plus loin :
Le tao du rajeunissement du dr N'Guyen Truong - Ed. Charles Antoni L'originel
La sculpture du vivant, le suicide cellulaire ou la mort créatrice de Jean Claude Ameisen Ed. le point
Sri Aurobindo ou l'aventure de la conscience de Satprem - Ed. buchet-chastel