Yeux, miroirs de l’âme, reflets de santé

Publié le 6 Décembre 2017

Le journal du yoga

Novembre 2017 - N°188

 

A l’ère de l’informatique et du travail sur écran, de plus en plus de personnes sont concernées par la fatigue oculaire ; Le yoga des yeux permet de faire travailler les muscles de l’œil, de les relaxer et d’irriguer les globes. C’est une méthode naturelle provenant de la médecine indienne. Mais au-delà de cet aspect relaxant et de bonne santé, comme toujours en yoga, il s’agit d’une méthode complète qui aide à développer l’intuition, cet œil intérieur.

 

D’après un article de Lucie de la Reberdière

 

Pour le philosophe Maurice Merleau-Ponty, (1908-1961) Voir c’est accéder à l’être, c’est s’ouvrir aux choses. « La vision s’exerce en actes, je la vis du dedans. Elle semble venir de choses visibles mais c’est une fausse impression ; l’image est comme un miroir qui fait naître un monde dans lequel je suis englobé. Je vois comme j’imagine ». A la même époque, en Inde, un autre philosophe, Sri Aurobindo (1872-1950) nous livre : « ouvre les yeux et vois ce qu’est réellement le monde ».

On sait que la tristesse se lit dans le regard, tout comme l’amour.

On sait aussi qu’un sourire est authentique par les yeux, non par la bouche. De tous les organes des sens, l’œil est sans doute celui qui définit le mieux notre relation au monde. Loin de n’être qu’une fenêtre sur l’extérieur, il est aussi le miroir de notre propre état intérieur. La vision elle-même, contrairement aux autres facultés sensitives, est dissociable de son organe, l’œil. Car voir, c’est aussi visualiser les yeux fermés ou se tourner vers son regard intérieur.

Où va le regard, va la pensée. Où va la pensée, va l’énergie

Comme pour les mains avec les mudra, l’orientation du regard fait partie intégrante du hatha-yoga. On nomme drishti, « points de fixation », ces mouvements oculaires qui permettent de canaliser l’énergie durant la pratique. Certains asana se fondent autant sur la posture du corps lui-même, que sur la direction du regard. C’est le cas notamment des postures d’alignement car les drishti favorisent l’équilibre. C’est le cas aussi des torsions car ils augment l’amplitude de rotation. Par exemple, dans trikonasana, «la posture du triangle », on regarde la paume de la main ou le bout des doigts. Dans marichyasana, «La posture du sage Marichi », on essaie de regarder par-dessus l’épaule. Dans virabhadrasana, « posture du guerrier », on vise le ciel ou encore entre les sourcils ou le bout du nez dans upavistha konasana, « l’angle assis ». La pratique des drishti fait aussi l’objet d’exercices à part entière. Dans ce cadre, les postures oculaires constituent un entraînement global, comme pour le reste du corps. Ici, il s’agit moins de projeter le regard que de solliciter doucement les muscles des orbites, en y associant la convergence ou la divergence de l’œil ; assis, le dos est droit. La tête est immobile et la respiration, ventrale.

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Selon Kiran Vyas, auteur de « yoga des yeux, guérison de la vue » :

« Bien voir est un yoga à part entière. Il nécessite la prise en compte de l’unité de l’être et non d’une petite fraction. C’est une recherche d’harmonie intérieure et extérieure ; ce n’est donc ni une technique, ni une médecine mais un art de vivre ».  Les exercices qu’il préconise, soins d’hygiène quotidiens, servent non seulement à entretenir sa vue mais aussi à faire l’expérience du plaisir de voir.

D’abord bien comprendre que les yeux sont des organes toujours en mouvement. Or dans l’Ayurveda, le mouvement crée de l’air (vata), qui peut se retrouver dans le mental comme dans ballonnements du ventre. « Voilà pourquoi les gens qui ont des problèmes de vue ont généralement aussi des problèmes digestifs », nous dit Kyran Vyas.

On cherchera à pacifier vata et les tensions par le retour à des mouvements lents. Parmi eux :

  • le geste du balancier. « C’est un exercice fondamental qui consiste à se balancer doucement d’une jambe sur l’autre, les yeux ouverts. Cela pousse le cerveau à passer de l’hémisphère droit à l’hémisphère gauche, des fonctions contradictoires qui ne seront possibles pour lui que par le relâchement ». C
  • Ciller est une autre technique simple ! Battre des cils permet de détendre les paupières, les yeux et le front. « Imaginez que la paupière est un store. Descendez et remontez-le lentement »
  • Le sauna des yeux, les compresses de lait, d’argile ou aussi l’auto-urine, tradition que l’on retrouve aussi au Japon, pour apaiser, nettoyer et également détoxiner les yeux sensibles.
  • Garder de l’eau quelques minutes dans la bouche. L’eau, va masser certains points de la cavité buccale qui feront beaucoup de bien aux oreilles, aux mâchoires, à toute la sphère ORL et même aux cervicales ».
  • Les pieds seraient considérés comme les « portes » des yeux. « Les pieds sont nos prises de terre, nous reliant à l’énergie vitale, dont les yeux tout en haut ont besoin. Pour la faire circuler et remonter à travers le corps, ne vous privez pas de massages des pieds.  Soit au bol kansu, soit avec une simple douche froide directement sur les pieds ».

 

Nos perceptions créent notre réalité,

Martin Brofman dans son livre « Voir de mieux en mieux », nous lance un défi. Pour l’auteur, les problèmes visuels ne sont pas seulement dus à des troubles mécaniques. Notre vue serait directement connectée à nos attitudes mentales. Améliorer sa vue par un travail sur nos tensions intérieures. Chacun crée sa propre réalité à partir de ses perceptions. « Actuellement, vous vous percevez comme quelqu’un ne ne peut pas voir clairement sans lunettes. Transformez votre vision du monde de telle sorte que, sachant vous vous pouvez vous passer de vos lunettes, votre perception créera une nouvelle réalité ». A l’en croire, le processus du passage d’une réalité à l’autre se ferait en trois étapes : 1. Décider de ce qui sera vrai dans la prochaine réalité ; 2) encourager la perception que cela se passe maintenant, pas demain ; 3) répéter que l’amélioration de votre vue n’est pas quelque chose qui va arriver mais plutôt que cela est en train d’avoir lieu, quitte à s’aider d’affirmations positives comme : je remarque que je vois mieux chaque jour ». La relaxation du yoga permet d’accéder à d’autres niveaux de conscience où il est possible d’engrammer de nouvelles croyances ce que Martin Brofman nomme « méta programmation », des visualisations intérieures en ondes alpha qui conjuguent détente musculaire, donc repos de l’œil, et développement d’une nouvelle croyance sur ses capacités.

 

Imaginer pour mieux voir,

Les suggestions mentales conscientes et inconscientes participent de ce que nous voyons, voulons ou pensons voir. Voir est une chose complexe, qui implique la mémoire, les archives d’images qui existent depuis notre naissance. Pour le Dr Agarwal, ophtalmologue Indien qui s’est inspiré des travaux du Dr Bates, « une bonne vue passe par un mental apaisé ». Il pose l’existence de deux types de regards : interne et externe ; l’œil externe est l’organe qui voit le monde, décodé par le cerveau. L’œil intérieur a son siège entre les sourcils. Habituellement endormi, il peut être développé par le yoga ; cette cellule sensible, symbolisée par ajna chakra, le 3è œil, voit les objets invisibles, les mouvements de force énergétique et favorise l’intuition ; son support est la « pensée pure », la fonction de pensée sans image ; vecteur d’enseignement spirituel et parfois thérapeutique, ajna chakra est maîtrisé par certains grands sages, capables de transmettre beaucoup par ce regard silencieux.

Dans Psychologie et Alchimie, Carl Gustave Jung parlait de « la capacité de créer une image nette et précise dans le champ de conscience et de l’y maintenir sans dérive de la pensée ». Le yoga-nidra représente un entraînement intéressant de la vision interne ; le calme et la clarté sont en effet nécessaires à l’imagination et à une vision juste. Insistons d’ailleurs sur l’impact de l’imagination ; Kiran Vyas : « Une bonne imagination aide à mieux voir. Si vous arrivez à parfaitement imaginer quelque chose ou quelqu’un – couleur, forme, nuances – vous la verrez mieux dans la réalité » ; une hypothèse enthousiasmante pour continuer à cultiver la créativité et la rêverie.

 

Proposé par Dominique Bart

 

 

Rédigé par UCY

Publié dans #YOGA, #Spiritualité-philosophie

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