Yoga et malvoyance
Publié le 29 Novembre 2017
Les Carnets du yoga
Novembre 2017 - N° 361
Christine Malka-Rohart répond aux questions de Céline Maugé :
Christine Malka-Rohart a rejoint le pôle recherche de l’EFY en 2014 pour partager son expérience de professeur de yoga enseignant à des personnes déficientes visuelles.
Comment a commencé ton expérience de professeur de yoga auprès des personnes aveugles ou malvoyantes ?
Au sein de l’association Valentin Haüy qui aide les aveugles et les malvoyants, le club de la Sizeranne qui propose des activités et loisirs à ses adhérents parisiens, recherchait un successeur au professeur de yoga partant à la retraite. Cela a duré une quinzaine d’années avec deux cours par semaine jusqu’à ce que tu me remplaces comme enseignante à la rentrée 2016.
Comment se sont affinées tes propositions à ces publics qui demandaient un accompagnement adapté ?
J’ai suivi la formation à la yoga-thérapie proposée par le docteur COUDRON afin d’adapter les postures aux personnes limitées ponctuellement ou définitivement dans leur corps du fait de la maladie, du vieillissement ou des accidents.
J’ai aussi rencontré Micheline FLAK et j’ai suivi son enseignement pour les techniques de relaxation (yoga nidra) ainsi que la formation au RYE (recherche sur le yoga dans l’éducation).
Comment se déroule un cours avec des déficients visuels ?
Le cours de yoga est un temps de pratique mais aussi un lieu de socialisation important pour eux. Les déplacements sont sources de stress, et dans l’environnement incertain où ils vivent se développe une hyper vigilance de tous les instants.
Le cours de yoga permet de se détendre profondément et en conscience en toute sécurité sur le tapis. Quant aux postures, ces personnes se montrent curieuses de nouveaux enchaînements et pratiques renouvelées. J’ai inclus un temps de pranayama et de relaxation, et pour répondre à leur demande un temps de méditation. C’est en fait un cours semblable à un cours pour public voyant.
Quelles sont cependant les précautions à prendre ?
D’abord veiller à la sécurité des uns et des autres ; il est souvent nécessaire de leur donner le bras pour les conduire jusqu’à leur espace. Les postures inversées sont bannies du fait de l’afflux sanguin qu’elles entraînent, elles risquent d’augmenter ou créer un désordre irréversible. Les postures d’équilibre doivent souvent être adaptées. La difficulté est de trouver un point d’ancrage ; on peut proposer le contact des paumes de mains entre elles (namasté) par exemple. Dans tous les cas une attention accrue du professeur s’avère indispensable.
Comment as-tu élaboré le programme de la pratique du module ‘ Yoga et malvoyance’ proposé aux élèves de quatrième année depuis la rentrée 2016 ?
Il s’agit de faire l’expérience de la perte temporaire de la vue par le port d’un bandeau sur les yeux. Les futurs professeurs peuvent ainsi se poser différentes questions :
Que se passe-t-il tout d’un coup si je n’ai plus accès aux informations que la vision procure ?
Qu’est-ce que je ressens au niveau physique, émotionnel et mental ?
Quelle est ma pratique de yoga ?
Comment le professeur aménage-t-il la séance pour me guider sans support visuel ?
Ces ateliers sont des temps d’échanges et de pratique pour que chacun chemine à son rythme du monde extérieur, visible et perceptible vers ses espaces intérieurs grâce à ses propres ressources, appuis, adaptations et créativité en synergie avec le professeur.
Il s’agit de recherche sur l’adaptation nécessaire et permanente de l’enseignant à son public, chaque élève étant envisagé dans sa singularité.
Proposé par Christiane Delabre