… Dharma
Publié le 21 Juin 2017
Les carnets du Yoga
- N° 357 - mai 2017
par Liliane Cattalano
Le dharma est une valeur fondamentale pour les hindous aussi bien que les jaïns, les sikhs et les bouddhistes (dhamma en langue palie).
C'est un concept qui sous-tend et structure à la fois les spéculations métaphysiques et la société des hommes. Issu de la racine sanskrite DHRI qui signifie porter, soutenir, maintenir, le dharma est donc ce qui soutient et perpétue le monde dans toutes les dimensions qui le composent. Il ordonne, régule, organise tout ce qui est.
Conscients que le microcosme est identique au macrocosme, les sages des temps anciens ont placé au cœur de leur engagement le triomphe du dharma, c'est à dire l'ordre sur le plan cosmique aussi bien qu'individuel et social. Ce terme recouvre des notions aussi multiples que la loi, le droit, le devoir, la morale, la religion, la justice, la course des astres et des saisons, l'agencement de l'univers. Dharma est un mot si polysémique qu'on le traduit de façons très diverses, et le plus souvent par... « dharma » ! Toutes ces acceptions ont un même but : assurer la stabilité et la pérennité de ce monde, c'est à dire son évolution selon les grands cycles du temps.
Détruit, le dharma détruit ; protégé il protège.
Dit le Manavadharmashârstra, ou Lois de Manu, l'un des traités du dharma qui codifient très précisément le comportement qui incombe à chacun pour qu'il contribue à la cohérence et à l'harmonie du tout.
Ce dharma universel se décline en différents sadharmas, devoirs propres ou particuliers, selon l'âge, le sexe, la classe sociale à laquelle chacun appartient : brahmane (détenteur du pouvoir spirituel), kshatriya (noblesse guerrière), vaishya (producteur de richesse) ou shûdra (serviteur). La condition de chacun détermine également quel est son purushârtha, ou but de l'homme.
Ils sont quatre, comme souvent les éléments qui structurent la société indienne ; la grande épopée de l'Inde, le Mahâbhârata, énonce ainsi les objectifs de tout hindou :
Le dharma (l'ordre), l'artha (la richesse), le kâma (le plaisir) et le moksha (la délivrance) forment l'ensemble des quatre buts de l'homme.
La vie de chaque individu est tissée de ces différentes appartenances qui se combinent pour définir son svadharma ; ainsi, dans la Bhagavad Gîtâ, Krishna invite Arjuna à dépasser ses doutes et à combattre malgré sa répugnance à tuer ses cousins et ses maîtres, car tel est son dharma de guerrier.
Même si tous les comportements sont codifiés, le conflit entre la morale individuelle et le devoir sociétal habite le cœur des hommes, en particulier dans ces périodes troubles de passage d'un âge (yuga) à un autre, lorsque l'équilibre ancien ne fonctionne plus et qu'un nouvel ordre n'est pas encore installé. Les épopées regorgent d'exemples de ces héros tourmentés, écartelés entre les valeurs individuelles, comme le respect de la parole du père par exemple, et le devoir de classe.
Le dieu Vishnu, garant de la préservation du monde, est amené à descendre parmi les hommes pour aider à ce que le passage se fasse selon les exigences de la grande loi cosmique, même si cela entraîne une dégradation apparente de la situation. Le dharma cosmique prime toujours sur le dharma individuel dont il assure en dernier recours le succès.
Parmi les avatâras de Vishnu,, Krishna, dieu-héros du Mahâbhârata et Râma, du Râmâyana, interviennent directement dans les affaires des hommes par des actes qui semblent transgresser les valeurs humaines, mais qui servent l'ordre cosmique.
L'enseignement de Krishna est une invitation à l'action, mais dans le détachement du fruit des actes, car au service de dharma.
Proposé par Monique Guillin