Manger en pleine conscience
Publié le 17 Août 2016
SOURCES pour une vie reliée
N° 34 - avril-mai-juin 2016
Entretien avec Séverine Dropsy recueilli par Nadine-Shivani Deswasière.
« Lorsqu’on mange avec sa tête, c’est avec méfiance, la peur au ventre » ; écrit le Dr Gérard Apfeldorfer, psychiatre, spécialiste des questions de comportement alimentaire. Pourquoi s’alimenter est-il source de problèmes qui altèrent notre santé ? Comment manger en étant libéré de l’anxiété ?
Le Dr Apfeldorfer est un précurseur, et c’est avec ses ouvrages que j’ai commencé à cheminer pour comprendre que nous mangions pour beaucoup d’autres raisons que celle d’entretenir nos cellules. Comme le dit Jean-Pierre Corbeau, sociologue de l’alimentation, manger est un acte d’incorporation : on prend le risque de s’empoisonner en mettant un corps « étranger » en nous. C’est une peur ancestrale qui est restée là et qui est maintenue par les lois sur l’hygiène, les repères « bons pour la santé » qui changent régulièrement, et les discours de l’industrie agro-alimentaire. On a même inventé un nom – l’orthorexie – pour décrire ces troubles.
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Comment redécouvrir l’équilibre qui nous est propre pour manger ce qui nous convient ?
Le premier temps est ce lui de l’ARRET :
A comme arrêt
R comme respirer
R comme regarder à l’intérieur
E comme embrasser (ou accueillir) ce qui nous arrive, nos expériences. Plus vite nous les accueillerons, même si cela ne nous plaît pas, plus vite nous passerons à l’étape suivante du
T comme traverser (ou transformer).
C’est un processus simple et puissant qui nécessite une position de non jugement et de bienveillance à notre égard, celle de la pleine conscience.
Vous recommandez aussi un « jeûne des médias » en mangeant ?
Nous avons pris l’habitude de vivre dans le plein, la profusion, la consommation. Nous avons maintenant peur du silence comme nous avons peur de la faim, peur du manque, peur du vide. Il nous paraît donc normal de nous remplir par besoin physiologique, par plaisir, par habitude, par envie, par ennui…Oui, jeûne des médias visuels et auditifs, car ils maintiennent notre conscience à l’extérieur de nous-même. Nous mangeons donc sans porter attention à ce que nous absorbons. Cette présence à l’aliment, à la dégustation, nécessite tous nos sens : vue, ouïe, odorat, toucher, goût et aussi intuition.
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En quoi la pleine conscience peut-elle participer à une meilleure manière de s’alimenter ?
La pleine conscience consiste à porter son attention sans jugement à ce qui est. Elle est fondée sur les valeurs de respect, de bienveillance, de gratitude, d’acceptation de ce qui est. Elle nous guide pour accepter de vivre chaque instant comme nouveau, d’accueillir l’impermanence. Dans ma pratique, je propose de suivre un cycle complet suivant un protocole de huit semaines, avec une journée de retraite silencieuse. Cela permet d’apprendre à bien distinguer les sensations, des émotions, sentiments et pensées. Je propose ensuite des ateliers pour appliquer cette pleine conscience à l’alimentation au quotidien. Le fait d’activer tous nos sens permet de manger mieux et de manger moins, de perdre du poids, si besoin, sans frustration ni interdit. C’est une méthode qui permet de renouer avec la sagesse du corps. Elle permet d’être en paix avec notre nourriture et avec nous-même.
Proposé par Catherine Poulain Bourdichon
Pour aller plus loin : suite et fin de cet article dans la revue « Sources pour une vie reliée » – numéro 34 ; disponible à la bibliothèque.